Hier soir, face à Fillon, la romancière a perdu son calme. En télé, il paraît que ça veut dire : perdre. Et si, au fond, elle avait gagné ?
Christine Angot affrontait François Fillon hier soir dans l’émission politique de David Pujadas, et depuis ce matin, tout le monde en parle : elle a eu tort de s’énerver ; elle vient de faire gagner des points à Fillon ; elle était très mauvaise, etc. Aurions-nous été meilleurs ? Certainement pas. Hier soir, Angot, c’était nous : le peuple. Une citoyenne qui, contrairement à un vieux politicien comme Fillon, n’est pas du côté de la grande bourgeoisie ni de ceux qui gouvernent, n’est pas rodée à la politique, à la langue de bois, à la rhétorique ; c’est une femme qui ne trouve pas ses mots, bafouille, s’énerve face à ce professionnel du débat – du spectacle ? – publique, aguerri à la comédie politique, aux discours, aux tribunes.
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« Derrière l’écran, ils sont des millions à penser comme moi »
Elle a raison : hier soir, Christine Angot a représenté des millions de Français. Comme elle, nous en voulons à Fillon de ne pas se retirer de la course à la présidentielle, devenant ainsi un danger pour la démocratie et la république : au deuxième tour, s’il se retrouve face à Marine Le Pen, beaucoup s’abstiendront de voter, ce qui pourrait jouer en faveur du FN. C’est cette irresponsabilité égoïste de Fillon qui nous choque tous et que Christine Angot a très bien démontrée.
Etrangement, le débat s’est soudain retourné contre elle : Fillon, habile, lui fait valoir sa présomption d’innocence. Certes, mais dans présomption d’innocence, il y a aussi présomption de culpabilité, et rien que pour cela, il aurait dû se retirer.
Fillon, malhonnête ? Oui, lorsqu’il accuse les journalistes de comploter contre lui et, dans ce débat, lorsqu’il déclare à Angot qu’étant elle aussi mise en examen, elle n’a dès lors aucune leçon à lui donner. Un amalgame ahurissant : si Christine Angot est mise en examen, avec Edouard Louis, c’est pour avoir soutenu ce dernier dans le procès que le « Reda » de son dernier roman lui intente, et au nom de son idée de la littérature ; François Fillon est mis en examen pour détournements de fonds publiques. Mettre sur le même plan ces deux mises en examen relève, en effet, de la plus grande malhonnêteté.
Un écrivain face à un politique
Et puis Angot est romancière, Fillon se présente pour gouverner la France. Or c’est justement ce qu’il y avait de plus passionnant dans ce débat : voir s’opposer un écrivain et un politique, la littérature et la rhétorique. Christine Angot travaille durant des années à trouver les mots justes, en quête de vérité, dans un seul but : faire une œuvre littéraire digne de ce nom. Quant à François Fillon, il est en campagne présidentielle, dès lors rompu à l’art de séduire, de convaincre, de rallier à sa cause, dans un seul but : le pouvoir. On préférera toujours l’authenticité de l’énervement d’un écrivain comme Angot à l’hypocrisie du calme, de la voix doucereuse, des sourires ironiques d’un politique comme François Fillon. « Non, ce n’est pas un dialogue » a répondu à un moment l’écrivain à David Pujadas, qui tentait de l’interrompre pour donner la parole au candidat. Ironiquement, Fillon, hier soir, a prouvé qu’elle avait raison : le dialogue, avec lui, n’est plus possible.
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