Après avoir mis en scène la nouvelle adaptation de “Starmania”, le metteur en scène s’est vu nommé directeur artistique des J.O 2024. Mais ce statut d’artiste officiel ne va pas sans risque
Vous ne pouvez dire qu’on ne vous avait pas prévenu… Sans prétendre tirer la couverture, force est de constater que notre critique, co-signée avec Fabienne Arvers, avait des allures de texte prémonitoire s’agissant du Richard III de Shakespeare monté par Thomas Jolly en 2015.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“Bien que Thomas Jolly ait choisi la traduction de Jean-Michel Déprats dont on sait la valeur, on a eu l’impression d’assister à une comédie musicale signée par Michel Berger et Luc Plamondon. Quant aux lumières, dans la droite ligne de celles de Jacques Rouveyrollis pour les concerts de Johnny Halliday, l’usage déraisonnable des faisceaux de projecteurs robotisés est digne des combats de sabre laser de La Guerre des étoiles. L’esthétique générale de l’ensemble oscillant entre les vitrines des Galeries Lafayette à l’approche de Noël et une partie de Space Invaders tournant au cauchemar.”
Après sept ans de réflexion, le metteur en scène semble s’être rangé à nos arguments en s’attaquant au mythique Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon. Réunissant une équipe dorée sur tranche, il s’entoure de Victor Le Masne à la direction musicale, du chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui et de Nicolas Ghesquière aux costumes. La production ayant mis les petits plats dans les grands du côté des projecteurs robotisés, le show musical a des allures de déjà vu, entre la soirée de lancement d’un smartphone ou la présentation du dernier modèle 100 % électrique d’une marque automobile. Affirmation d’un style visant à briser le quatrième mur à coup de salves de lumières pointées droit sur le public, cette posture d’en mettre plein les mirettes résulte d’une esthétique de l’esbroufe à la froideur industrielle. Las, nul n’est parfait, on jette l’éponge à l’entracte.
Promotion empoisonnée
Certains verront la mise en place d’un laboratoire de recherche dans la fabrique de Starmania… La préfiguration d’une grammaire conçue à l’adresse du plus grand nombre par celui qui vient d’être nommé par Emmanuel Macron, directeur artistique des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques de 2024. Ainsi, l’homme rejoint le cercle de ceux qui ont eu la charge de magnifier le roman national, comme ce fut le cas en 1992 pour Philippe Decouflé aux JO d’Albertville et en 1989 pour Jean-Paul Goude lors de l’anniversaire du bicentenaire de la Révolution française. Dans une telle situation, il est difficile d’échapper à la surexposition médiatique et au revers de la médaille d’avoir des comptes à rendre. Interviewé par Le Monde (édition du 20 et 21 novembre), Thomas Jolly doit s’expliquer sur son bilan financier et humain au Quai d’Angers, le Centre dramatique national qu’il dirigeait depuis 2020 et dont il vient de démissionner. L’artiste doit aussi se positionner face à l’annonce surréaliste du ministre de l’Intérieur qui a créé la panique dans les rangs des professions artistiques, en concluant, le 25 octobre dernier, à l’impossibilité pour la police et la gendarmerie d’assurer simultanément la sécurité des festivals de l’été et des JO. Se disant “stupéfait que le ministre de l’intérieur oppose la culture et le sport, car c’est contraire aux valeurs de l’olympisme.”, il enchaine “j’ai été très inquiet pour les festivals, que je connais bien pour y avoir travaillé, et pas seulement à Avignon. Pour les professionnels et les territoires, ils sont très importants d’un point de vue économique. Et ils sont un outil merveilleux”. À la question de savoir s’il ira jusqu’à mettre son poste en jeu pour défendre cette cause ? Thomas Jolly botte en touche : “Ce serait triste d’en arriver là. On verra le moment venu.” Si Gérald Darmanin reste sur ses positions, Thomas Jolly, au pied du mur de son nouveau statut d’artiste officiel, devra prendre ses responsabilités… risquer de tout perdre ou se couper à jamais de ses pairs.
Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon, direction musicale Victor Le
Masne, mise en scène Thomas Jolly. Jusqu’au 29 janvier 2023, La Seine
musicale, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). En tournée à partir du 10 février 2023.
{"type":"Banniere-Basse"}