Le producteur electro français Para One se mue en compositeur avec la BO contemplative de « Naissance des pieuvres », le beau film de son amie Céline Sciamma.
Le film se passe dans l’eau mais sa musique vous embarque au-dessus des nuages. Les pieds et les mains claquent dans la piscine, les nageuses tournoient dans leur cirque aquatique mais les synthés ont cette vertu d’aplanir la violence des sentiments et des tourments adolescents. A l’obsession de la perte de la virginité des héroïnes de Naissance des pieuvres, Jean-Baptiste de Laubier, alias Para One, a répondu par une musique instrumentale, vierge tout au long du film, un score arythmique qui vit en circuit fermé sur ses seuls synthétiseurs.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
On l’a connu producteur de TTC, puis d’un des albums techno les plus puissants de ces dernières années (Epiphanie), et enfin remixeur de tous ceux souhaitant franchir le mur du son (Daft Punk, Bloc Party, Agoria, MSTRKRFT…). Para One a par la même occasion gravi une marche capitale de sa carrière, passant du rang de producteur techno à celui de compositeur. Lui qui s’était fraîchement équipé d’un studio d’enregistrement avec synthés analogiques en trouve une parfaite utilisation. Finale clôt majestueusement le film, où des violons à la Michael Nyman viennent gribouiller sur les nappes de synthés. Face à l’impossibilité d’enregistrer un vrai orchestre à cordes, Para One a recréé et travaillé nuit et jour des sons synthétiques pour retrouver l’effet des instruments et du bois, avec un résultat saisissant.
Les deux sont tellement satisfaits des morceaux composés que même ceux qui ne sont pas retenus pour le film apparaissent sur l’album, comme l’indique son titre. En particulier Requiem, un titre fantastique aux synthés glacés, composé après la BO mais qui reprend un thème utilisé en studio. Ainsi que Sunless, Blank et Tape, trois titres écrits par Para One pour ses propres courts métrages et qu’il a réenregistrés, après qu’ils ont été utilisés comme premiers tests par la réalisatrice pour voir s’ils collaient à ses images. L’album s’écoute donc comme un tout cohérent, entre ambient, musique contemporaine et electronica, le plus énervé des morceaux (Shojo) allant frayer sur les terres d’un Aphex Twin sous Prozac. Ailleurs, les synthés épurés se baladent au ralenti dans des champs de coton (Naissance des pieuvres) ou des églises abandonnées par Boards Of Canada (Bike).
Mais quand l’école electronica anglaise choisit de triturer la matière synthétique jusqu’à la rendre organique, Para One s’est pour la première fois concentré sur la composition, ce qui laisse augurer d’un prochain album contre-pied d’Epiphanie, radicalement différent dans sa conception grâce à la confiance et à l’expérience engrangées. Une nouvelle excitante qui accompagne la BO la plus belle et la plus immergée dans son film depuis Virgin Suicides de Air.
{"type":"Banniere-Basse"}