Hiver après hiver, Igloofest propose à Montréal une programmation irréprochable où se côtoient les gros calibres de la scène électro internationale, les légendes de demain et plusieurs gloires locales, les deux pieds dans la neige.
L’hiver c’est long au Québec. Presque 5 mois à attendre le printemps… Mais depuis la création du Igloofest en 2007, on peut presque dire qu’on a hâte que la saison froide arrive !
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
De ses débuts timides jusqu’à aujourd’hui, l’événement est devenu un incontournable du circuit des festivals de musique électronique. Petit à petit, Igloofest s’est imposé grâce à une programmation éclairée – un juste équilibre entre valeurs sûres et prises de risque – mais aussi, et surtout, grâce son caractère insolite : le pari un peu fou de faire un gros festival extérieur en pleine ville et en plein hiver avec des températures pouvant quelques fois friser les -30 degrés. Ajoutez à cela un site exceptionnel dans le Vieux Montréal au bord du fleuve Saint Laurent, une mise en scène toujours plus ludique et conviviale et vous avez tous les ingrédients pour que la party pogne comme on dit ici.
Quant au public, année après année, il est de plus en plus nombreux. Fidèle au rendez-vous, toujours plus allumé, enthousiaste, affublé de toutes sortes de vêtements de ski et de bonnets aux couleurs criardes, emmitouflé sous de gros manteaux, le visage masqué par les foulards. C’est tout ce que ça prend pour donner à l’événement un air de carnaval déjanté et bon enfant, où l’on se rend non pas pour frimer mais pour souvent avoir l’air le plus swag et kitsch possible et s’éclater sur ce qui se fait de mieux sur la planète électro.
« Ici, c’est dance or die. Tu viens pour danser sinon tu risques de trouver ça long et froid ! »
C’est d’ailleurs cette réputation qui attire les meilleurs artistes de la scène électro, dont plusieurs qui ne sont pas très chauds à l’idée de se les geler et qui finissent par prendre le risque, encouragés par les échos de tous les DJs passés par là avant eux. Marie-Laure Saidani, programmatrice d’Igloofest, en a vu plus d’un débarquer sur le site l’air inquiet.. Puis repartir le sourire aux lèvres, tombé sous le charme.
« Les artistes sont souvent super impressionnés par l’événement et qu’on puisse faire la fête dans de telles conditions climatiques. Ils nous prennent vraiment pour des fous. Ils trouvent ça génial parce que ça détonne de tout ce qu’ils font. C’est un événement qui les sort de leur zone de confort. Ce qui détonne aussi avec Igloo, c’est qu’il n’y a que deux scènes et cinq artistes en tout par soir. Donc ils savent que le public se déplace pour eux. L’autre point fort du festival, c’est justement le public. Ici, c’est dance or die. Tu ne viens pas à Igloofest pour chiller ou poser, tu y viens pour danser et avoir du fun, sinon tu risques de trouver ça long et froid ! »
Une édition spéciale
Pour cette édition 2017, qui s’inscrivait dans le cadre des événements du 375e anniversaire de la fondation de Montréal, Igloofest a ajouté 2 week-ends supplémentaires aux quatre officiels (tous les jeudis, vendredis et samedis). Le festival, qui échelonnait du 12 janvier au 19 février, a attiré quelques 120 000 visiteurs sur un site repensé pour l’occasion. Igloofest avait réuni cette année 85 artistes musicaux venus de 11 pays. Les pionniers Carl Cox et Laurent Garnier, qui se sont tous deux lancés dans des sets de 3 heures – Garnier dépassant même l’heure de fermeture d’un bon trente minutes – ont bien entendu attiré une foule énorme, sans décevoir.
Josh Wink et Steve Bug en B2B ont aussi fait mouche, de même que l’équipe festive de Sonic Crew et la funky Jennifer Cardini. On retiendra aussi la performance de l’innovateur Apparat qui a brillamment ouvert cette 11e édition, la techno soul du hollandais Joris Voorn qui n’hésite pas à ajouter quelques hits classiques à son répertoire, l’infatigable Anja Schneider, le vétéran de la house de Détroit MK et bien sûr la merveille masquée Claptone.
Dans la cohorte d’artistes en pleine ascension, on notera la techno avant-gardiste d’Oniris, les sélections house, techno et bass underground de la canadienne -relocalisée à Londres- B.Traits, les saveurs du London underground de Moxie et l’irrésistible groove de Louisahhh.
En ce qui concerne le volet made in Montréal, on ne peut passer sous silence le travail de certains des infatigables artistes locaux qui font rayonner la musique électronique à l’année longue. On pense entre autres aux sonorités pures et dures de la gloire locale Snails, à Softcoresoft, une des étoiles montante de la techno montréalaise tout comme Seychelle, à The RawSoul, boss montréalais de la classic house 90’s, à CRi – endossé par le label Young Art Records de Tokimonsta, ainsi qu’à Deadlift, Kris Tin, Zepha et J’vlyn D’ark. Et tout ça, c’est sans compter les innovations des 26 VJ [Light Jockey ou plus sérieusement technicien lumière] montréalais qui ont illuminé avec brio les performances de chaque artiste tout au long de l’événement.
Ne laisser personne de glace
« Ce n’est pas évident de convaincre des artistes de gros calibre de venir à Igloofest dans le froid et la neige alors que durant cette période de l’année ils sont souvent en vacances », souligne Marie-Laure Saidani. « Donc quand tu leur proposes un festival où il fait -30, sur papier ça fait moins rêver ! Ceci dit, on commence à avoir vraiment une bonne réputation sur le circuit et beaucoup d’artistes qu’on a programmé passent le mot à d’autres en leur disant à quel point ils ont aimé, que pour plusieurs c’était une de leurs meilleures gigs de l’année. Carl Cox m’a dit que ça faisait très longtemps qu’il n’était pas venu à un festival où la production et le son étaient aussi bons et Garnier nous a dit que si il a mis du temps à venir, il n’en mettrait pas autant pour revenir ».
Même son de cloche pour Green Velvet, rencontré dans la loge d’artiste après un set enivrant. Le DJ et producteur de Chicago n’a pas caché son enthousiasme pour Igloofest. « C’est un événement unique. Il n’y en a aucun autre comme ça dans le monde. Oui il fait un peu froid mais l’ambiance est tellement incroyable, c’est tellement festif et coloré qu’on est vite réchauffé par la vibe de la foule. »
Dave Clarke, qui a dû annuler sa venue l’année dernière, n’a pas manqué l’occasion pour cette 11e édition et il ne le regrette aucunement :
« Qu’est-ce que ce festival a de différent? C’est fucking froid! Mais une fois que tu y es, tu te dis fuck it, je gèle mais on s’éclate. J’étais inquiet de me geler les doigts car je ne veux pas jouer avec des gants, ça ralentit mes mouvements. J’ai beaucoup aimé au final. C’est spécial parce que c’est en plein air, en plein hiver, tu as une vue magnifique sur la ville et aussi la plus belle panoplie de chapeaux et les toques les plus dingues. Les gens dansent tous et franchement tu sens une belle énergie positive. »
Shiba San, qui en était lui aussi à son premier Igloofest, nous a livré ses impressions hivernales à chaud, tout juste après son set.
« J’avais peur qu’il n’y ait pas grand monde parce qu’il fait froid mais le site s’est rempli rapidement de tous ces gens avec leurs bonnets colorés. Ça saute, ça crie, ça fait vraiment plaisir. On oublie le froid avec tous ces gens qui s’amusent. C’est la première fois que je fais un festival comme celui-là et honnêtement c’est une super belle expérience. Des potes DJ qui y ont joué me l’ont chaudement recommandé. C’est un festival au line-up incroyable et qui est attendu par tout le monde en hiver. Je pense que c’est un des événements les plus aimés du circuit. »
Alors que Montréal se relève à peine de la plus grosse tempête de neige de la saison froide, on se plaît à rêver un Igloofest qui durerait aussi longtemps que l’hiver canadien.
Crédits photo : Peter Ryaux-Larsen
{"type":"Banniere-Basse"}