La sortie de “The Lost City of Z” rappelle à quel point les anciennes civilisations d’Amérique latine ont enflammé l’imaginaire occidental. « Apocalypto », « Tintin et le temple du soleil », « L’étreinte du serpent »… : petit panorama des films qui leur ont été consacrés.
Suite à la sortie de Lost City of Z de James Gray, faisons un petit tour en Amérique centrale et du Sud à la recherche de films de fiction traitant des diverses civilisations précolombiennes et/ou de leurs quelconques eldorados. Deux grandes sortes de films sur ces univers beaucoup plus amples et mystérieux que ceux des indiens d’Amérique du Nord : les fresques où l’on entend reconstituer ces lointaines civilisations telles qu’on croit qu’elles ont été durant les siècles précédant la conquête espagnole, et les œuvres historiques mettant en scène les premiers contacts des chrétiens occidentaux avec ces peuples dits païens, entre les XVIe et XXe siècle :
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1. Histoires de civilisations mésoaméricaines ou incas :
Les Rois du soleil de J. Lee Thompson – 1963
A l’ère du péplum triomphant, toutes les civilisations antiques passèrent à la moulinette hollywoodienne. Dans certains cas, ce fut grandiose, dans d’autres plus hasardeux. Exemple, ce film de J. Lee Thompson, spécialiste anglais de gros films de genre comme les célèbres Canons de Navarone ou Les Nerfs à vif (remaké par Scorsese), qui s’essaya à son tour au récit antique avec cette histoire en robes et en plumes scénarisée par James R. Webb (à qui on doit pourtant le classique de John Ford Les Cheyennes). On y assiste au pérégrinations d’un contingent maya en Amérique du Nord, qui se heurte aux Indiens locaux, sur fond de sacrifices humains, ou plutôt de leur remise en question. Incarné par le jeune premier de West Side Story, George Chakiris (arborant la même coiffure sixties) en prince maya, et le chauve à tout faire Yul Brynner en chef indien, le film passa complètement inaperçu malgré le soin apporté à sa réalisation.
Tintin et le temple du soleil de Eddie Lateste – 1969
Un film d’animation assez élémentaire adaptant deux albums de Hergé : Les Sept boules de cristal et Le Temple du soleil. Dans le premier, très condensé, le professeur Tournesol est enlevé par de “méchants indiens” pour avoir porté le bracelet d’une momie inca. Dans le deuxième, Tintin et le Capitaine Haddock, partent sauver le professeur emmené au Pérou. De fil en aiguille, il vont être capturés par les Incas, et conduits dans un temple toujours intact au XXe siècle, semble-t-il, dans un coin reculé du pays, et condamnés à mort. Dans ce dessin animé situé dans le monde contemporain de l’époque de l’album (les années 1950), la partie reconstituant la splendeur de la civilisation inca se résume aux quinze dernières minutes. Mais c’est réalisé avec plus d’exactitude que les produits Walt Disney sur le même sujet (Kuzco, l’empereur mégalo et La Route de El Dorado).
Apocalypto de Mel Gibson – 2006
A son tour Mel Gibson, devenu réalisateur de films plus guerriers les uns que les autres, s’intéresse au sort des Mayas dans cette reconstitution à laquelle il tente de conférer la rapidité (la fuite) et l’horizontalité (la forêt) qui manquaient au relativement pompeux Rois du soleil. Gibson situe le film en 1511, soit juste avant l’arrivée des Espagnols dans le Yucatan, et y met en scène, comme Lee Thompson, le conflit entre deux clans mésoaméricains : les chassés et les chasseurs. Parmi les points culminants il y a également une pyramide maya où ont lieu des sacrifices humains. Curieusement, le cinéaste élude la question du sacrifice comme dans Tintin et le temple du soleil (l’éclipse de soleil salvatrice). Mais quoi qu’il en soit, malgré ses excès (dont certains maquillages surchargés), c’est une œuvre enlevée et sans compromis.
2. Histoires de conquêtes et clash de civilisations :
Wara Wara de José Maria Velasco Maidana – 1930
L’unique film muet bolivien conservé et restauré est une histoire plutôt progressiste, située durant l’invasion espagnole, sur la relation sentimentale entre une princesse inca et un conquistador, au XVIe siècle au Pérou. Le réalisateur incarne lui-même le chevaleresque Tristan de la Vega, qui sauve des griffes des violeurs et assassins hispaniques la belle Wara Wara. Un incunable tiré de l’oubli, qui prône un métissage que la société blanche de la Bolivie de l’époque tolérait en silence mais réprouvait officiellement. D’où la mise sous le boisseau de cette œuvre en avance sur son temps.
Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog – 1972
Flanqué de l’infernal Klaus Kinski, son “ennemi intime”, avec lequel il tournera plusieurs films, dans le rôle du conquistador Lope de Aguirre, qui partit comme d’autres au XVIe siècle à la recherche du mythique El Dorado, Herzog trimballe son équipe par monts et par vaux, ou plutôt dans la jungle et la montagne péruviennes. A l’arrivée, une des plus belles docufictions qui soit. En effet, on ne sait jamais si le film documente le tournage et les frasques de Kinski ou s’il met en scène la rébellion du lieutenant espagnol et sa quête folle et absurde d’un monde mythique croulant sous l’or. Evidemment, c’est un peu les deux, et malgré la langue allemande ici employée par les conquistadors, qui heurte un peu les oreilles dans le contexte, ce film magique, bercé par la musique planante du bien nommé Popol Vuh, reste la plus belle description de la folie des grandeurs européenne. Carlos Saura traita le même sujet (authentique) avec une grâce pachydermique dans El Dorado (1988).
Cabeza de vaca de Nicolas Echevarria – 1991
L’épopée en Amérique au XVIe siècle du conquistador espagnol Alvar Nuñez Cabeza de Vaca. Le réalisateur mexicain Echevarria, connaisseur du chamanisme, a tenté de s’approcher le plus possible de la réalité amérindienne. Le film décrit un processus inverse aux conventions historiques : c’est le conquistador qui est conquis. Non seulement il s’adapte à la vie indienne, mais il devient lui-même un sorcier. Le film n’est pas que néo ou pseudo-ethnographique. Il a en sus une dimension épique, mystique. C’est également un film-trip à la Aguirre ou à la Apocalypse Now. Malgré un réel souci pour la forme, le cinéaste ne surplombe pas son personnage de conquistador illuminé ou possédé. Il filme très crûment l’étrangeté de ce monde, sans aucune ornementation, ce qui la rend plus incroyable encore.
https://www.youtube.com/watch?v=Hsam1EWwVHg
L’Etreinte du serpent de Ciro Guerra – 2015
En parallèle, deux expéditions scientifiques, accompagnées par le même indien d’Amazonie, Karamakate. L’une en 1907, avec un ethnologue allemand à la recherche d’une plante médicinale. L’autre dans les années 1940, avec un botaniste américain en quête d’un hallucinogène végétal. En filigrane des deux aventures, le cinéaste colombien décrit comment la colonisation a détruit l’âme des peuples primitifs. Ce n’est pas une simple relation de voyage, mais plutôt un trip, initiatique si l’on veut, où l’Occidental est transformé par le contact avec les aborigènes. Si dans ses grandes lignes, cela s’apparente à Aguirre, cela en diffère par l’attitude pacifique des explorateurs. Le voyage fluvial, assimilable au chemin vers la connaissance, dicte son aspect méandreux au film, émaillé de rencontres pointant les déviances de la chrétienté. L’Etreinte du serpent illustre toute une cosmogonie et façonne une micro-société utopique.
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