Ellesse, Fila, Kappa, ou Sergio Tacchini… Le versant sportswear de la mode italienne semblait s’être volatilisé dans ses montagnes natales. Jusqu’à ce qu’un certain Gosha Rubchinskiy s’empare de ces souvenirs vestimentaires des années 90. Retour sur ce phénomène qui s’étend bien au delà des catwalk, symptomatique de notre époque qui recycle les tendances à l’infini.
C’était le chic ultime sur la terre battue des seventies. Traverser les courts intégralement équipé par Ellesse, la marque au logo on ne peut plus représentatif: une demi balle de tennis. Entre temps, la griffe italienne a été rattrapée puis distancée par une virgule fulgurante, trois bandes incontournables ou encore par un fauve bondissant. Avant de réapparaître sur un tout autre terrain, où les baskets s’arrachent pour un montant à double, voire triple zéro.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Lors de son défilé printemps-été 2017 à Florence, le styliste Gosha Rubchinskiy propulse sur les podiums des marques de sportswear italiennes qu’on croyait évanouies. Des silhouettes mutantes moitié haute couture, moitié bitume. Le créateur russe a également dépoussiéré d’autres enseignes transalpines mythiques au très scruté Pitti Uomo (la fashion week masculine italienne): Fila, Kappa, et Sergio Tacchini . Ce “revival” n’est finalement que la continuité des années 2010 où les vêtements de sport chics sont partout. Cette tendance, nommée athleisure, se définit par une sophistication du style et une technicité des matières.
Le vestiaire de gym de la Grande Botte est devenu depuis quelque temps la nouvelle marotte de la mode. Moins évident et grand public que les géants étasuniens, mais plus accessible et décontracté que les maisons aux atours nobles comme Fred Perry ou Lacoste. Une manière de montrer aussi que l’Italie peut proposer autre chose de plus ludique qu’une armada de vestes en renard.
Ellesse monte au filet
L’exemple d’Ellesse, même si la griffe n’a pas été choisie par le nouveau prodige slave lors de son dernier défilé, est plutôt éloquent.
Personne n’a vu resurgir ce label fétiche des champions de tennis qui s’est d’abord fait connaître sur les pistes enneigées. Celui-ci a été créé par Leonardo Servadio (L. S.) à Pérouse en 1959, dans les montagnes d’Ombrie, à une époque où le concept de “sportswear” est encore considéré comme totalement futuriste et futile. Ellesse connaît son envol grâce un pantalon de ski (le jet pants) dont le succès est tel qu’il sera même exposé au Centre Pompidou à la fin des années 70. A la même époque, la bible de la mode italienne (Vogue Italie) finit par repérer le potentiel de la marque en intégrant l’un de ses modèles dans un édito.
Aujourd’hui, celle qui fut l’une des premières à oser le trait d’union entre sport et mode connaît un étonnant regain d’énergie et a été rachetée par un groupe britannique. On la retrouve sur les sites marchands à l’affût des dernières tendances. En 2011, la ligne “Heritage” rend hommage à Leonardo Servadio, et notamment à ces deux pingouins domestiques qui inspirèrent plusieurs modèles de ses collections !
La mode tout terrain
Si le sportswear italien semble trop cloisonné et réservé à une clientèle connaisseuse et nostalgique, sa présence dans la pop culture au cours du XXème siècle a cependant marqué les esprits. Le personnage de James Gandolfini dans la série Les Sopranos n’aurait pas lieu d’être sans son survêtement Fila de mafieux dominical. Richie Tenenbaum (du film de Wes Anderson) existe quant à lui en partie grâce à son look improbable de tennisman décalé, en associant polo Fila et bandeau avec une veste de costume.
Les clips de R&B sont de véritables campagnes promotionnelles. Le groupe TLC a d’ailleurs collaboré avec la marque Fila en 2015: un combo qui sonne comme une évidence et confirme cet incessant retour aux 90’s, cette époque fascinante où l’on feuilletait encore des catalogues de VPC. La marque autrefois réservée aux sports alpins a fait du chemin.
Spécialiste des mélanges Dior/Adidas, le magazine Dazed and Confused avait d’autre part consacré une enquête à Kappa il y a quelques années. La firme originaire de Turin a incarné les “Brit Pop Years”. Héros de Blur, Damon Albarn arbore tellement de vestes de la marque qu’il aurait pu en être l’égérie !
L’arrivée du nouveau millénaire paraissait avoir englouti cette culture sportswear baignée de hip-hop et d’influences urbaines diverses. C’est sans compter la lassitude provoquée par le minimalisme et les créations trop austères … Prime alors ce qui est à la fois vintage et moderne, ou plutôt intemporel.
{"type":"Banniere-Basse"}