Quelle mouche les a piquées ? Les rédactions parisiennes se sont prises d’une passion soudaine pour la démission de Benoît XVI. Quitte à se livrer à des pronostics hasardeux sur son successeur et passer à côté de vrais enjeux.
Il serait souhaitable que ce soit un pape d’Afrique noire ou d’Amérique du sud. » Aussitôt après l’annonce par Benoît XVI de sa démission, lundi 11 février, une spécialiste du Vatican évoquait déjà la succession pontificale sur RTL, et ce n’était autre que… Bernadette Chirac. À l’image de cette intervention incongrue, l’emballement médiatique pour un tel événement a eu de quoi surprendre. D’autant plus si l’on observe sa portée réelle. De fait, cette démission ne change pas grand-chose dans la doctrine et l’organisation de l’Église catholique.
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Une pape d’Afrique noire ou d’Amérique du sud ?
Outre son aspect inédit, la seule nouveauté qu’elle entraîne, c’est que l’élection du prochain pape se fera du vivant de son prédécesseur. D’où peut-être une influence de ce dernier sur le vote. Dans quel sens ? Pour qui ? Tout le monde l’ignore. Et tout le reste n’est que divination et supputation. Comme le sont les prédictions récurrentes annonçant un pape africain ou sudaméricain. Les cardinaux de ces deux continents ne sont pas les plus influents parmi les 117 électeurs. Les Africains représentent 9,5 % des voix et les Sud-Américains 16 %. Contre 24 % d’Italiens. Ces derniers, humiliés de ne pas avoir de pape depuis plus de trente ans et d’avoir raté le coche deux fois de suite, vont tout faire pour l’emporter. Quant à l’idée largement répandue selon laquelle l’élection d’un Africain ou d’un Sud-Américain serait un geste d’ouverture et de modernité de l’Église, c’est là une contre-vérité : les prélats de ces continents sont parmi les plus réactionnaires.
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Sans doute certains médias sont-ils attirés par l’exotisme de cette hypothèse, renforcés en cela par des journalistes autoproclamés spécialistes du Vatican. Or, les vrais experts se comptent sur les doigts d’une main et sont italiens ou américains.
« Les journaux vont faire tout un tas de pronostics, nous bombarder de noms, et ce sera probablement un autre qui sera élu », résume le cardinal suisse Georges Cottier.
Quitte à s’intéresser à la curie romaine, autant le faire quand il y a des enjeux. En enquêtant par exemple sur les mesures prises – ou non – pour prévenir de nouveaux scandales de pédophilie. Ou, de façon plus accessible, en suivant les négociations du Vatican avec les intégristes lefebvristes. L’un des objectifs majeurs de Benoît XVI était d’avoir une Église rassemblée, sûre de ses dogmes face aux forces ennemies – les Églises évangéliques pentecôtistes pilleuses d’ouailles en Afrique et en Amérique du Sud, et l’idéologie moderniste porteuse de relativisme et de matérialisme, notamment.
Vatican II
Le principal enjeu des discussions avec les fidèles de Mgr Lefebvre, excommunié par Jean-Paul II en 1988, c’est Vatican II. Pour renoncer à leur dissidence, ils exigent un reniement de ce concile qui rapprocha l’Église de son époque. Parmi ses acquis, on peut citer le dialogue oecuménique, la reconnaissance des laïcs et l’ouverture aux non-croyants. Les lefebvristes tiennent surtout à un retour à la messe de rite tridentin, que Vatican II avait fait reculer, et qui exige le latin, les chants grégoriens et un prêtre tournant le dos à l’assemblée.
Céder sur ces points aurait de vraies conséquences pour les fidèles. Les plus progressistes claqueraient la porte et les plus réactionnaires s’y engouffreraient. Or Benoît XVI persistait à négocier année après année, alors que de leur côté les intégristes ne veulent rien lâcher, comme en témoigne un livre écrit par l’un d’eux, qui sort en Italie ces jours-ci : L’Avenir – terrible ou radieux ? – du dogme d’Enrico Maria Radaelli. Livre dont on attend avec impatience les commentaires et analyses sur les médias français, de Bernadette Chirac notamment…
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