En exclusivité, rencontre et écoute intégrale du nouvel EP de Claude Violante, Road Race, petit bijou percutant et énervé à écouter au volant d’un bolide à toute allure.
Après avoir posé en moto sur ton dernier EP, tu as mis cette fois-ci en couverture une Formule 1. Quelle relation entretiens-tu avec la route ?
Il y a quelque chose des machines, de la mécanique, qui me plait beaucoup. Ça fait écho à ma passion des synthés, qui doit être la même qu’ont les mécaniciens pour les voitures, ce côté un peu psychopathe et fasciné par l’outil. L’automobile est une métaphore : je voulais que cet EP soit plus direct que les autres, qu’il ne prenne pas les chemins de traverse. J’aimais beaucoup utiliser cette idée d’une profession masculine et de la mettre à ma sauce. Le pilote de course est seul au volant et doit gérer ses moments de solitude, un peu comme quand tu as un projet et que tu essaies de le mener à bien alors que tu fais face à tes doutes, tes faiblesses… Il faut faire comme les sportifs et trouver en toi la force.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ton rapport à la masculinité s’affiche aussi dans ton pseudo finalement…
Moi ça me plaisait que ce soit un prénom mixte, et que quand on le lise, on se pose la question : est-ce une fille ou un garçon ?.
Ton présent EP semblait plus énervé : en quoi penses-tu que Road Race est plus direct, alors qu’il peut être perçu comme plus romanesque ?
L’amour est présent dans tous les morceaux que je fais, et je l’utilise aussi comme métaphore. Pour Road Race, j’évoque différents sujets, ce que ça fait d’être un homme et ce que ça fait d’être une femme, je parle des gens qui ont du mal à accepter les autres. Cela peut sembler un peu bateau mais je pense que c’est important de le répéter, encore et encore. Après, quand on parle de ça, cela peut évoquer autre chose. Il est vrai que le dernier EP était plus énervé dans l’attitude, mais en même temps, sur Road Race, la rythmique est plus agressive, et je pense que l’idée d’être un peu plus directe dans l’écriture des morceaux c’est être aussi plus énervée, à mon niveau.
Il se dégage aussi quelque chose d’assez triste…
Je trouve ça très intéressant, quand on fait face à un morceau très énervé et qu’ensuite apparait une petite voix, il se dégage une certaine ironie qui fonctionne très bien.
Tu es à l’intersection entre house et r’n’b, un carrefour rarement exploité en France…Comment expliques-tu ton intérêt pour ces genre musicaux ?
En France, les gens sont assez frileux pour mélanger les choses de manière générale, même au niveau politique. Moi je me reconnais beaucoup plus dans les ambitions anglo-saxonnes. Les Anglais savent utiliser une musique de club et faire de la même manière un r’n’b très chanté avec beaucoup de technique dans la voix. Ca me parle. Après, cela a ses limites, mais ce sont en tous cas des genres musicaux que j’aime : le club, le r’n’b, même la folk. J’essaie à mon niveau de les réunir dans ce que je fais.
Tu parlais de limites en termes mélange de genres : quelles sont-elles pour toi ?
Quand tu fais de la musique, tu évolues toujours, et je pense aujourd’hui que je pourrais faire mieux. Mes limites sont celles de ma connaissance, de ce que j’ai essayé et d’où je peux encore aller.
Dans la conception d’un morceau, quel est le moment qui t’obnubile le plus ? La composition ? La production ou l’écriture des paroles ?
Le plus important pour moi, c’est qu’il y ait une ambiance qui se dégage, un niveau qui ne soit pas forcément flagrant au premier abord. Je m’échine sur les paroles, mais j’essaie vraiment que ça me touche de deux manières différentes : soit de manière un peu mélancolique, soit que cela me donne de la force. C’est important que la musique puisse procurer ces sentiments. Un morceau qui puisse dire « vas-y, tu peux y aller« . J’adore écouter de la musique et me laisser aller à être triste pour de faux.
Est-ce que cet EP est fait pour les clubs ou pour danser tout seul chez soi ?
Je ne le vois pas comme de la musique de club. Je suis contente néanmoins si les gens entendent la référence, c’est un paramètre important dans ma vie. Après, il fallait que ça soit plus uptempo, parce que j’avais envie de jouer ces morceaux en live et d’avoir cette force qui un sentiment que j’ai quand je les joue. Plus rapide et « bourrin ». C’est bien qu’il y ait des choses plus rapides et bourrines dans mon répertoire. J’aime bien avoir cette possibilité, de pouvoir montrer une autre facette de moi, un peu plus violente.
Les titres de cet EP ont une thématique très « soumission » : « Control », « You’re The Man »…Il y a cette idée de contrôle, mais celui qu’on peut avoir sur soi-même : rester sur la route, ne pas déborder, rester cadrée. Ce n’est pas mon trait de caractère que de rester dans la route pavée. C’était un exercice intéressant. Je ne savais pas si je pouvais arriver à un résultat qui me satisfasse en essayant d’être épurée, plus efficace. Le précédent EP avait un peu plus de fioritures et j’ai beaucoup d’affection pour lui, mais je pense qu’il n’a pas grand-chose en commun avec ce que je fais aujourd’hui. Dans Road Race, la voix est aussi beaucoup devant, et j’ai l’impression que je fais un peu plus « chanteuse ». La voix n’est moins trafficotée, sans effets, et du coup je ne chante pas pareil. Je me devais d’aller droit au but.
Ta voix nue t’a dérangée ?
Oui, évidemment, mais dans le bon sens du terme, comme un sportif qui fait face à sa performance. Une mise à nue plutôt sympa.
Ta mixtape sortie cet été a eu un impact sur l’EP ?
J’ai fait la mixtape très peu de temps avant l’EP. Du coup j’étais un peu épuisée. Je me suis beaucoup impliquée dans la mixtape, j’ai été très ambitieuse et j’ai beaucoup donné de ma personne. C’était un vrai challenge, qui m’a permis d’essayer des choses que je n’aurais pas tenté auparavant : des morceaux beaucoup plus longs, essayer d’exprimer des choses avec la musique plutôt qu’avec la voix… L’EP d’après se devait d’être plus spontané : nous n’avions plus beaucoup de temps, et je voulais prendre le contrepied de la mixtape. J’ai aussi voulu tester les beats à l’anglaise, un peu breakbeat, qui existaient sur d’autres démos que je n’avais pas utilisé.
On te parle souvent des années 90, et je n’arrive pas à voir cette nostalgie dans tes morceaux…Tu l’expliques comment ?
C’est sûr, il y a des références, nous sommes tous victimes de ce qu’on a écouté dans la vie mais ce ne sont pas non plus les fondations de ma musique. Je n’en ai pas honte. Mais les gens qui disent ça ne vont pas forcément chercher trop loin… Après ce n’est pas grave, c’est un univers que j’apprécie.
Je vois vraiment un lien avec le r’n’b anglais, comme celui de Katy B…
C’est vrai qu’ils ont cette tradition de voix en avant et de rythmique très saccadée. Les anglais sont beaucoup plus libres que nous en France, où le r’n’b se doit être très urbain. C’est difficile d’avoir une place autre que ce cliché là et c’est dommage.
Tu t’inscris un peu en marge de ce qui se fait actuellement en France, ou on privilégie pas mal la pop en français.
Je parlais anglais et français chez moi. Ce n’est donc pas non plus une langue vraiment étrangère . Le français est peut-être moins vecteur d’émotions car mes références finalement sont très peu françaises, du coup je me reconnais moins. Après j’adore Michel Berger et Daniel Balavoine, ça me parle énormément, ce sont des gens qui avaient des ambitions à l’américaine. Le fait de chanter en français ne m’a pas encore sauté dessus : j’y pense, mais je ne suis pas encore prête.
Ton projet Haussmann existe encore ?
Oui, mais ce que je fais seule prend du temps, mon partenaire, Beau Travail, a lui aussi des trucs à faire à côté, mais nous n’avons pas laissé tomber.
Etait-ce important d’avoir un projet que tu maitrises de A à Z ?
J’avais des trucs à me prouver. Gloria, du label Tsunami Addictions, qui nous avait signé à l’époque avec Haussmann, a écouté ce que je faisais toute seule, et m’encourageait à faire cet EP. J’avais du coup quelqu’un qui croyait en moi, et qui m’a poussé.
Ton projet tient sur toi seule : est-ce qu’on cherche encore le garçon derrière Claude Violante ?
Bien sûr ! Quand nous étions deux en live, et bien à chaque fois que j’arrivais dans une salle, on parle à mon musicien des problèmes techniques On ne me demande jamais ce que je fais, où est ce que je me place…On pense souvent que c’est lui qui fait la musique et que c’est moi qui chante. C’est pour cela que c’est intéressant de produire autre chose, que les gens se rendent compte que c’est possible.
Tu te vois produire pour d’autres personnes ?
Ca me plairait beaucoup. Quand je fais des remixes, je me vois un peu comme un producteur. J’essaie à chaque fois de ne garder que la voix, tout le reste part, et j’essaie de voir comment amener les artistes ailleurs. Je trouve ça très interessant comme job. Ca me plairait de le faire pour un projet.
Si tu devais choisir les remixeurs de ton EP, tu demanderais à qui ?
J’aimerais bien Arca. J’aimerais bien faire un morceau avec lui pour voir. Il ne m’amènerait pas forcément là ou je m’y attends. Je pourrais être surprise. Même Burial, dont je suis super fan.
Des remixes prévus ?
Je me suis vraiment ménagé du temps pour finir mon album (prévu pour l’automne), du coup je n’ai pas pris des remixes à faire. J’essaie de rester concentrée.
Avant d’écouter cet EP, que doivent savoir les gens ?
Que j’ai essayé de donner le meilleur de moi-même. Et que c’est bien de l’écouter dans une voiture, sur l’autoroute.
{"type":"Banniere-Basse"}