Conflits de générations entre woke et vieux roublards, immersion dans le Hollywood contemporain, punchlines travaillées : une réussite assez émouvante.
Pour celles et ceux qui n’ont pas trop eu l’occasion de traîner devant leur télé dans les années 1990, 2000 voire 2010, ou bien qui ont rattrapé Friends en streaming ces dernières années (ce qui représente objectivement un monde fou), il faudra un temps d’adaptation pour apprécier Reboot.
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Le pitch ? Une jeune scénariste lance la nouvelle version d’une sitcom fictionnelle old school, Step Right Up, arrêtée il y a une vingtaine d’années, avec les acteur·trices d’origine. Elle a pour ambition d’en faire une série réellement contemporaine, où les personnages dépassent les bornes. Problème : elle se retrouve avec un type d’une bonne soixantaine d’années dans les pattes, qui s’avère, désolé pour le spoiler, être son père. Et aussi le showrunner originel, perclus de clichés.
Le premier axe est donc le plus sentimental, même s’il est attendu : le récit d’une relation fille-père qui n’a jamais eu lieu. Forcé·es de collaborer, Hannah et Gordon vivent une cohabitation inédite dans l’intimité du plateau et du “lot” (le nom donné aux rue et plateaux des studios comme ceux de la Paramount, Warner ou Disney, notamment) où iels écrivent et tournent la série, chacun·e imposant leurs propres scénaristes. Stephen Levitan, qui a créé Reboot, connaît bien ces endroits historiques où Hollywood fabrique à la chaîne des films et séries depuis si longtemps – il a créé Modern Family et travaillé notamment sur Frasier, deux monuments sitcomesques. Le néo-sexagénaire a l’intelligence d’en faire des décors juste un peu à côté de la vie, dans la tradition d’autres séries meta comme l’incroyable The Larry Sanders Show. On pense aussi à 30 Rock. La fiction se joue dans un lieu factice, mais chargé de sens, ce qui donne une force émotionnelle étonnante aux interactions entre personnages. Les acteur·trices se retrouvent, vieilli·es, à emprunter leurs propres pas.
Rire de tout ?
Le deuxième axe de Reboot, le plus casse-gueule, consiste à explorer ce que veut dire relancer aujourd’hui une série d’hier, dans un environnement politique et industriel transformé. Avec parfois de gros sabots, mais beaucoup de cœur à l’ouvrage, Levitan met en scène plusieurs conflits de générations en parallèle, détricotant les divergences culturelles majeures entre les personnes woke et d’autres moins sensibles aux enjeux de représentation, le tout dans une salle d’écriture qui rassemble à peu près tous les âges, tous les genres, toutes les ethnicités et toutes les orientations sexuelles. Qu’est-ce qui est drôle si on enlève les offenses sexistes et raciales ? Comment faire rire avec du quotidien sans avoir le sentiment de rester collé·e au passé ? À toutes ces questions, la série donne des réponses finalement assez humbles, tentant de faire cohabiter ces deux imaginaires, même si clairement, Levitan penche du côté de celles et ceux qui estiment que les “bases” doivent être respectées.
Cela donne une série brinquebalante mais passionnante, souvent très drôle mais pas seulement, teintée d’une mélancolie qui n’a rien à voir avec la rancœur. Reboot offre aussi une vue assez précise des enjeux actuels à Hollywood (et souvent ailleurs, par la grâce du streaming mondialisé) où les producteur·trices et diffuseur·euses sont souvent des transfuges de la tech, où l’afflux des nouvelles voix ne se fait pas toujours dans les meilleures conditions, y compris pour elles. Une vraie découverte où brillent des comédien·nes incarnant chacun un monde, de Rachel Bloom (vue dans Crazy Ex-Girlfriend) à Paul Reiser (ex-Mad About You), en passant par Judy Greer et Keegan-Michael Key.
Reboot saison 1. Disponible sur Disney +.
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