Produit par Arte, le jeu de Florian Veltman et Baptiste Portefaix nous fait partager le voyage émouvant de quelques âmes entre vie et trépas.
Il n’y a rien d’inhabituel à ce qu’un jeu nous laisse décider du nom de son personnage principal. Dans le cas de How To Say Goodbye, l’affaire est pourtant particulière car c’est celui de quelqu’un qui vient de mourir que l’on nous propose de choisir, en y ajoutant éventuellement son plat préféré, avant d’entamer une aventure dont le but sera de faire le deuil de sa disparition.
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Dès le départ, Florian Veltman (Lieve Oma, Monument Valley 2) et Baptiste Portefaix (Oniri Islands) ouvrent une brèche, un gouffre : jusqu’où est-on prêt à s’impliquer émotionnellement ? Peut-on leur faire confiance et inscrire le nom d’un·e de nos vrai·es disparu·es ?
“S’il te plaît, reste avec moi”
On n’a pas osé, mais cela ne rend pas pour autant anodin ce voyage entrecoupé d’énigmes dans une sorte de purgatoire vu à la fois comme un labyrinthe et comme un espace de travail. Ici alternent le sentiment d’avancer et celui de se trouver bloqué, de ne pouvoir compter que sur soi-même et d’être accompagné·e.
On croise des fantômes, aussi, à des stades divers de leur évolution, entre aveuglement, ressassement et résignation. Celui-ci s’inquiète “d’avoir laissé le fer à repasser allumé avant de partir”. Cet autre se désole d’avoir “mis toutes les économies de sa famille sur le cours de la tulipe”, qui s’est “effondré”. Et puis il y a ces titres de chapitres, seize en tout, qui ouvrent des pistes, colorent le tableau autant qu’ils rythment l’expérience, conseils, leitmotivs ou mots de passe. “Une amitié inattendue”, “Certains souvenirs ne s’effacent jamais”, “La soirée pyjama”, “S’il te plaît reste avec moi”, “Parfois c’est bien de pleurer”…
Le littéral et le métaphorique
Avant tout, How to Say Goodbye est un puzzle game, mais sa beauté vient justement de la manière dont ses dispositifs font directement écho à son sujet et à ce par quoi ses héros·ïnes entre vie et trépas sont en train de passer. En cela, Veltman et Portefaix s’appuient sur l’une des grandes forces du médium vidéoludique : sa capacité à rapprocher, jusqu’à la superposition, le littéral et le métaphorique.
Les auteurs, aussi, ont la grande qualité de ne pas se laisser aveugler par leur propre système de jeu, aussi lumineux soit-il, trouvant un bel équilibre entre renouvellement et persistance et n’hésitant pas, ponctuellement, à se priver de toute énigme.
Alors on cherche notre route, la clé, une porte de sortie. On essaie de rétablir l’électricité. On s’y perd et se retrouve, on tourne en rond, on progresse d’un bond. D’ailleurs, il faut préciser que les personnages, aux noms rappelant ceux d’auteurs et illustrateurs de livres pour enfants ayant influencé l’esthétique du jeu (Tove Jansson, Antoine de Saint-Exupéry, Maurice Sendak…), ne sont pas nos alter ego.
Ce que l’on dirige, ce n’est pas tel ou tel esprit plus ou moins stable ou transparent mais le chemin, les dalles sur lesquelles ils sont installés, comme si l’on était, un peu comme dans Flower, la force qui les met en mouvement. “C’est à toi de décider quand tu auras suffisamment joué”, explique un fantôme à un autre, d’une manière, là, très inhabituelle. À lui, à elle, à nous.
How To Say Goodbye (Florian Veltman & Baptiste Portefaix / Arte) sur Switch, Mac, Windows, iOS et Android, de 5 à 13 €.
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