Qui de Brigitte Giraud, Makenzy Orcel, Cloé Korman ou Giuliano da Empoli remportera ce 3 novembre le prestigieux prix Goncourt ?
On le saura aujourd’hui à 13 h, mais rien ne nous empêche d’essayer de deviner. Non pas que le jury du Goncourt soit absolument prévisible dans ses choix, mais il a ses gimmicks. Pas sûr, par exemple, que la littérature soit la première invitée à siéger autour de leur table chez Drouant. Avant elle semblent passer d’autres invités, comme la lisibilité facile, l’entertainement et peut-être même l’actualité, dans le but d’avoir ce qu’on appelle un “bon Goncourt”, c’est-à-dire un Goncourt qui se vend, un Goncourt populaire qui s’offrira à Noël.
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Depuis peu semble aussi s’inviter à la table des délibérations la conscience des changements idéologiques de l’époque, une volonté d’ouverture. L’année dernière, le Goncourt était pour la première fois (enfin !) attribué à un écrivain noir, Mohamed Mbougar Sarr, pour La Plus Secrète Mémoire des hommes. En ce sens, leur shortlist 2022 est impeccable, avec une parité parfaite (deux hommes, deux femmes), et pas seulement des auteur·trices blanc·ches. Bref qui, parmi elles et eux et selon ces critères, recevra le prix dans quelques heures ?
1 – Giuliano da Empoli, Le Mage du Kremlin (Gallimard)
C’est le grand favori. D’origine italienne et suisse, essayiste et conseiller politique, Empoli signe la grande fresque de la Russie contemporaine. Une forme classique à souhait – un homme, ex-éminence grise de Poutine, raconte à un jeune narrateur ses aventures aux côtés du dictateur – rend le livre hyper accessible, ce que les juré·es adorent. Révélations des secrets du pouvoir russe, arcanes de la politique dévoilées, décryptage de la psyché de Vladimir Poutine jusqu’à la crise ukrainienne :pile dans l’actu. Le tout servi par un vrai sens des dialogues et des scènes pour tenir en haleine, qui donne l’impression d’apprendre tout en se distrayant. Bref, un très “bon Goncourt”.
2 – Cloé Korman, Les Presque Sœurs (Seuil)
La grande rivale du précédent. D’abord, parce que si le jury tient vraiment à la parité, il aura envie de récompenser une femme – depuis six ans et le Goncourt attribué à Leïla Slimani, seuls des hommes ont été récompensés. Et puis parce que Korman s’attaque à l’histoire tragique de sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale : elle reconstitue précisément, méthodiquement, comment trois petites filles de sa famille furent arrêtées par les Français et livrées aux militaires allemands qui les expédièrent dans un camp, où elles périrent. Du bon travail, sérieux, sobre comme le sujet l’exige. Et en un temps où l’antisémitisme semble se banaliser, un Goncourt qui serait aussi un signe, une protestation, un devoir de mémoire jamais abandonné.
3 – Brigitte Giraud, Vivre vite (Flammarion)
L’un des chouchous de la rentrée parmi les critiques qui ont été ému·es. Autrice de déjà dix romans, Giraud revient sur la mort de son compagnon il y a vingt ans. Elle a trouvé une forme qui se lit comme un feuilleton : elle reconstitue toutes les étapes qui ont mené l’homme de sa vie à l’accident de moto qui lui a coûté la vie. Une tentative – impossible – de comprendre l’incompréhensible. Une écriture un peu plate, mais hyper lisible, et une structure très facile, construite par épisodes ; bref, de quoi rassurer les Goncourt. En revanche, pas de portée politique ni de résonance avec l’actualité par rapport aux deux précédents
4 – Makenzy Orcel, Une somme humaine (Rivages)
Pour l’académie Goncourt, ce choix a des avantages : Makenzy Orcel est un romancier haïtien, ce qui la sortirait d’un entre-soi parisien et blanc, publié chez Rivages, une maison trop rarement en lice pour le prix. Enfin, le roman fait parler une femme – morte, certes, mais dont la vie semble un prétexte à revisiter tous les maux de l’époque et ce qui l’aura menée à sombrer. Bref, le destin d’une hyper-victime ? Orcel a ses chances, mais les juré·es craindront peut-être un Goncourt un poil trop déprimant pour être vendeur. Surtout avec un concurrent comme Empoli face à lui.
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