Après Diabologum et Programme, Arnaud Michniak continue de mettre
radicalement en question sa relation au monde, au verbe et aux sons.
Le nihiliste, écrit Greil Marcus dans Lipstick Traces, veut clore le monde autour de sa propre pulsion d’autodestruction. Tandis que la négation est l’acte qui, à lui seul, rend évident à tous que le monde n’est pas ce qu’il semble être.” La négation plutôt que le nihilisme : tel est le choix défendu par Arnaud Michniak. Dans Diabologum puis Programme, le Toulousain exprimait la rageuse incrédulité d’un homme qui discutait la validité de ce monde, de cet “enfer tiède” dont il ne pouvait se résoudre à accepter les règles morbides.
Sous son seul nom, il continue aujourd’hui le combat, en posant des questions, toujours plus de questions – les seules bombes qui, ici-bas, ont encore un peu de portée. Avec la vaillante insistance de ceux qui s’appuient sur leurs principes pour mieux les faire céder, Arnaud Michniak s’obstine à mettre en doute sa vision du monde, son rapport aux autres, sa relation au verbe et aux sons. “A chaque nouvelle phrase, je donne une nouvelle interprétation des faits, incomplète et imparfaite, dit-il sur la trame sonore abstraite de Poing perdu. Je suis cette succession de versions différentes, pas seulement fausses, pas seulement vraies, cette instabilité.”
Dans les vingt-trois minutes comprimées de Poing perdu, il y a plus de violence utile et de licence poétique que dans cinquante ans de rock rebelle, trente ans de hip-hop radical et cinq ans de slam en roue libre. La vraie pensée unique est là, et ce n’est pas celle que fustigent si allègrement tant de têtes molles. Elle est unique parce qu’elle ne ressemble à aucune autre, ne barbote pas dans le grand bain étale des débats autorisés et des polémiques organisées. Et parce qu’elle vient généreusement se heurter à la vôtre, la pousse à se découvrir, exalte en elle cette part menacée de sauvagerie intelligente qui est l’expression même du vivant.