Associations féministes, syndicats et ONG se sont réunis ce mercredi 8 mars place de la République, à Paris, pour lancer un appel à la grève à 15 h 40. L’occasion de mettre en lumière les progrès qu’il reste à faire sur les questions d’égalités femmes-hommes. Reportage.
Militantes, syndicalistes, ou bien simples badauds, ce n’est pas la pluie qui les a découragés de se rendre place de la République, à Paris, ce mercredi 8 mars. Une trentaine d’associations de défense des droits des femmes, trois syndicats et quatre ONG étaient réunies place de la République pour lancer un appel à la grève, à 15h40 pétante. Soit l’heure à partir de laquelle, en commençant tous les jours à 9 heures, les femmes travaillent gratuitement. Ces dernières gagnent en effet, en moyenne, 26 % de moins que leurs homologues masculins.
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Entre les chants, les danses et le café chaud, l’ambiance est à la bonne humeur, sans pour autant oublier le but de la manœuvre. « Un 69 est censé marcher dans les deux sens. 69 % des tâches ménagères sont assumées par les femmes », « Les femmes dans la rue, le patriarcat se pisse dessus », ou encore « Sans Hermione, Harry serait mort dans le tome 1 », peut-on lire sur les pancartes. Alors que les Femen et leurs célèbres couronnes de fleurs, encadrent la statue colossale de Marianne en bronze sous les crépitements des appareils des photographes, les membres du collectif féministe Les Effronté-E-s agitent leurs pancartes en scandant : « féministes, pas racistes, anticapitalistes ».
Un mouvement mondial
"Sans Hermione Harry serait mort" #8mars pic.twitter.com/XjwtumoUPW
— Fanny Marlier (@FannyMarlier) March 8, 2017
« Nous avons appelé à la grève pour rappeler que cette journée est un jour dédié à la lutte pour le droit des femmes, et pas une journée pour offrir des fleurs », explique Céline Piques, porte-parole de Osez le féminisme, avec un drapeau de son association à la main.
Organisée dans une cinquantaine de pays, la grève est une réponse « sociale, légale, politique, psychologique et verbale que les femmes subissent sous différentes latitudes ». « Si nos vies ne valent rien, produisez donc sans nous ! », peut-on lire sur le site qui répertorie les différentes mobilisations. Une façon de re-politiser le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, pour la premières fois coordonnée un peu partout dans le monde, et sous un objectif commun.
« C’était d’autant plus important, que partout dans le monde, les droits des femmes sont remis en cause, notamment du fait de la contre-révolution conservatrice, avec Donald Trump aux Etats-Unis, Poutine en Russie, Erdogan en Turquie, ou encore la Pologne où le droit à l’IVG a été remis en cause récemment… Il y avait un appel mondial à la mobilisation à la grève, soutenu par la confédération syndicale internationale, et qui a été suivi dans 50 pays. C’est une grande première« , insiste Sophie Binet, en charge des questions d’égalité femmes-hommes à la CGT.
Au pied de la statue de Marianne, des femmes défilent au micro pour témoigner du sexisme qu’elles subissent au quotidien. Plusieurs grévistes racontent aussi comment leurs employeurs ont refusé qu’elles quittent leur travail à 15h40. « Ce mouvement n’est pas professionnel, on vous met en RTT ce jour-là », a-t-on répondu à l’une d’entre elles. « Nous avons recensé ce matin 200 lieux de débrayages annoncés », martèle Sophie Binet au micro.
Un peu plus loin, dans la foule, on retrouve Catherine et Michelle, recroquevillées sous leur parapluie. Deux membres de l’Alliance des femmes pour la démocratie, et anciennes militantes du Mouvement de libération des femmes (MLF) né en 1968.
« Il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais de se retrouver et de lutter. Car, d’une certaine façon tout change mais, à la fois, rien ne change. Certes, les droits des femmes ont progressé un peu partout dans le monde, mais l’on assiste aussi à une contre-révolution d’une violence terrible remplie de misogynie, d’invisibilisation, ou encore de violences faites aux femmes », déplore Michelle.
Catherine, elle, paraît plus optimiste :
« Le succès de ce 8 mars montre bien qu’il y a une force qui s’élève à nouveau, relève-t-elle. Cela a peut-être sauté une génération, mais les jeunes militantes font un travail remarquable, elles se mobilisent et créent des modes d’expression nouveaux. Il y a une sorte de filiation qui s’est créée et dont nous sommes très fières.”
Un renouvellement de générations
Parmi les personnes rassemblées ce mercredi place de la République, il est vrai que l’on trouve quelques jeunes têtes. Héloïse, 18 ans, et son amie Emma, 17 ans, toutes deux au lycée dans le 91, n’avaient « pas cours cet après-midi ». « Mais nous aurions certainement loupé quelques heures pour venir dans le cas contraire », confie Héloïse. « Nous sommes venues parce que nous nous sentons concernées », précise-t-elle. « C’est le moment où l’on doit lutter pour nos droits. Et si l’on nous entend pas les autres jours, au moins le 8 mars c’est un peu différent », ajoute son amie Emma. Cette années, elles voteront pour la première fois, et compte bien donner leur voix au candidat qui œuvrera le plus en faveur de l’égalité femmes-hommes. La relève des féministes du MLF semble ici assurée.
A côté des jeunes lycéennes, Pauline, est venue seule au rassemblement pour « rappeler qu’il y a encore des luttes à mener, insiste cette travailleuse sociale de 34 ans. Surtout en période électorale, et de surcroit après qu’il y a eu prescription dans l’affaire Baupin ». Au micro, c’est justement, Annie Lahmer, l’une des plaignantes du député, qui prend la parole. Et aborde la question des victimes de harcèlement « trop souvent seules et isolées ».
« Beaucoup de femmes en situation précaire n’osent pas parler de peur de perdre leur emploi. C’est pour cela que je n’ai pas témoigné au moment des faits, en 1999, j’étais une mère célibataire avec deux enfants, je ne pouvais pas », regrette-t-elle.
A Paris, la manifestation n’a pas seulement réuni les Françaises. Kurdes, Colombiennes, ou Iraniennes étaient aussi présentes ce mercredi 8 mars. Sur un côté de la place de la République, des femmes kurdes réunies en cercle, chantent et dansent à l’honneur de Sakine, Robîn et Leyla, trois militantes assassinées près de la Gare du Nord, à Paris, le 11 janvier 2014. Leurs voix recouvrent presque celle de militantes d’associations qui défilent au micro sous la statue.
Colombiennes ou kurdes, la manifestation ne réunit pas seulement les femmes françaises #sororité #8mars15h40 #JourneeDesDroitsDesFemmes pic.twitter.com/lzTvC11cnb
— CausetteLeMag (@CausetteLeMag) March 8, 2017
Aux alentours de 17 h 30, le cortège commence à s’engager sur la route qui mène jusqu’à l’Opéra Garnier. Là, où se trouvent la plupart des grands magasins. « Un lieu symbolique, pour rappeler la précarité des salariées, puisque ce sont les femmes qui travaillent en majorité le dimanche depuis la loi Macron », regrette la porte-parole d’Osez le féminisme en rejoignant le défilé.
Le cortège commence à s'engager sur la route, ils terminera son parcours à Opéra. #JourneeDesDroitsDesFemmes #8mars15h40 pic.twitter.com/bxeR618aY5
— CausetteLeMag (@CausetteLeMag) March 8, 2017
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