La naissance du hip-hop et d’un groupe mythique à travers une série en six épisodes, à voir sur Arte. Une histoire culturelle, politique et sociale qui commence avec les années 1990.
Le “no future” généralisé, quarante ans et des poussières après l’explosion punk, semble ancré dans les têtes pour de bon, sans la dimension festive et féroce qui rendait le constat supportable, voire excitant. Quand refuser le futur était encore une façon d’en inventer un, aujourd’hui, il serait plutôt question d’esquiver ses apocalypses plus ou moins annoncées. Alors, on ferme tout ? Pas encore. On tente d’ouvrir les yeux autrement. Regarder une série qui s’applique à mesurer une par une les puissances de la jeunesse, sa croyance presque inconsciente dans de beaux lendemains, peut alors faire un bien fou. Le Monde de demain, coécrit et réalisé par Katell Quillévéré et Hélier Cisterne, est l’événement de l’automne dans la galaxie des séries et raconte exactement cela.
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Soit l’histoire de Bruno et Didier, deux ados de banlieue parisienne qui se heurtent et se frôlent, se retrouvent tous les jours pour danser et finissent par devenir Kool Shen et Joey Starr, formant le groupe de hip-hop français – et sans doute le groupe français tout court – le plus influent des années 1990. On sent venir le biopic mal élevé mais potentiellement lassant, surtout après Suprêmes d’Audrey Estrougo, sorti il y a un an. Sauf que les six épisodes ne racontent pas seulement la naissance de NTM, jusqu’au moment de leur explosion à l’automne 1990, mais aussi, comme nous l’a précisé Katell Quillévéré, “une histoire culturelle, politique, sociale”. Le hip-hop made in France est présenté dans sa diversité, notamment à travers la place laissée dans la fiction à Dee Nasty, pionnier du mouvement, organisateur de free parties sur un terrain vague à La Chapelle et loser magnifique.
Malgré son ampleur, sa générosité, sa précision dans le rendu des moments réellement vécus par le groupe, Le Monde de demain ne prétend jamais épuiser son sujet, bien trop vaste, mais plutôt saisir l’élan d’un mouvement populaire, d’un tremblement venu du bitume qui s’est immiscé partout. Il y a dans la série une douceur, un amour du geste et des corps désirants, qui fait constamment décoller les protagonistes loin des archétypes. Nous planons avec eux devant cette grande fiction collective, musicale et artistique, qui rappelle que rien n’est perdu et que tout se joue éternellement maintenant.
Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 26 octobre
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