Le sixième roman d’Hugo Boris commence avec le D-Day, puis nous entraîne dans des décennies plus tard dans la mémoire d’un vétéran. Mélancolique.
Dans la cale de l’USS Charles Carroll, des jeunes recrues de la navy s’apprêtent à débarquer, fusil en main, sur une plage inconnue d’un pays lointain. Dans la moiteur anxieuse de l’attente, Garnett a un élan fou de tendresse, un geste interdit envers l’un de ses soldats, Andrew. Celui-ci ne bouge pas, “il s’y est préparé à sa façon depuis toujours et cette main qui maintenant lui prend le menton, enserre douloureusement sa mâchoire, il la repousse deux secondes trop tard (…) alors qu’il fallait tout de suite, avec violence, insulter Garnett peut-être, le frapper”.
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Mais déjà il faut y aller, Andrew emporte avec lui ce souvenir furtif en courant au milieu des cadavres, sur cette plage de Normandie. Il évite les balles, gravit la colline, se cache, parvient à échapper à une mort qui semblait quasi certaine. Il n’est pas vraiment là, totalement absorbé par la pensée de ce qui s’est passé avant. Il scrute chaque corps, vivant ou mort, en espérant retrouver Garnett.
Disparition
Soixante-quinze ans plus tard, c’est sur cette même plage qu’on retrouve Magali, jeune mère de famille qui vit dans la région. Elle aussi cherche désespérément quelqu’un, son mari a disparu mystérieusement il y a quelques jours. Il est parti courir et n’est jamais revenu, impossible de savoir ce qui lui est arrivé, la police n’a pas retrouvé son corps. Dans le village, les commentaires vont bon train, entre gêne et moquerie, c’est sans doute de sa faute, si “son homme” est parti…
Ces deux êtres sensibles, ces deux destins brisés, vont se rencontrer par le hasard des choses : Magali est guide et historienne, spécialisée dans le Débarquement de Juin 1944. Elle a pour mission d’accompagner un vétéran américain revoir la plage où il débarqua, un drôle de type taiseux mais déterminé, un vieillard qui n’a que faire de ce qu’elle lui raconte et lui échappe, lui aussi, fonçant sur sa chaise roulante à la recherche de ce moment qui bouleversa sa vie. Sixième roman d’Hugo Boris, Débarquer est un beau roman sur les limites de la mémoire, les illusions de l’amour et les amitiés inattendues.
Débarquer de Hugo Boris (Grasset) 196 pages, 19 euros.
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