Ce nouveau projet éditorial s’articule déjà autour d’une newsletter et verra le jour début 2023.
C’est un projet qu’Élise Thiébaut porte depuis 25 ans et qui prend enfin vie, à la faveur d’une histoire extraordinaire. Tout commence en 2020, autour de la tauromachie -on a envie d’écrire “tauromagie”, vous allez comprendre pourquoi. Non que l’autrice soit spécialement portée sur la corrida mais, si l’on ne choisit pas ses parents, on choisit encore moins leurs passions et sa mère en nourrissait une pour cette tradition méridionale. “Pour elle, la tauromachie c’étaient les hommes qui essaient de domestiquer le féminin et qui n’y arrivent pas”, raconte-t-elle. Atteinte d’un cancer, celle qui fut membre d’honneur des arènes de Nîmes à 17 ans lui demande sur son lit de mort de répandre ses cendres dans ce lieu. Un souhait qu’Élise Thiébaut exaucera symboliquement, lorsque, quelques jours après le décès de sa mère, elle voit passer sur Internet le concours de la Nouvelle tauromachique et décide d’y concourir. De ce prix Hemingway, créé en 2004, elle sera la première gagnante féminine avec son texte Un Toro dans la reine, et rencontrera ainsi Marion Mazauric, fondatrice des éditions Au Diable Vauvert (qui éditent chaque année les textes des lauréat·es). C’est avec elle qu’Élise Thiébaut finit par concrétiser, un quart de siècle avoir l’avoir imaginée, la collection littéraire Nouvelles Lunes.
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Le projet, qui verra le jour en mars 2023 en partie grâce au crowdfunding (la campagne débutera le 8 novembre), se limite pour l’heure à une newsletter. Tous les mois, Élise Thiébaut y publie un texte, où elle raconte son humeur du moment et met en avant ses lectures ou ses réflexions, tout en semant les graines de ce qui, demain, sera un nouveau rendez-vous fertile des lettres féministes. Car le format actuel n’est qu’une mise en bouche, qui permet à l’autrice de fédérer une communauté (déjà plus de 2000 abonné·es) avant le lancement. D’autres prendront ensuite la plume à sa place, pour signer des textes numériques mensuels à prix libre, ainsi que deux à quatre textes annuels à paraître en librairies. “Mon idée, c’est d’aller chercher des textes qui entrent en résonance avec l’écoféminisme, une sorte de carrefour entre #MeToo, l’urgence climatique, les enjeux queer et tout ce qu’on peut imaginer comme possibles”, décrit-elle. Côté numérique, les signatures réjouissantes se bousculent déjà: Juliet Drouar, Kiyémis, Fatima Ouassak, Mai Hua, Milady Renoir ou Ophélie Latil répondront présent·es. Tandis qu’en librairies, on retrouvera début 2023 une réédition du Sexocide des sorcières, de Françoise d’Eaubonne, préfacée par Taous Merakchi: “C’était intéressant de faire se rencontrer leurs deux colères et leurs deux visions de la sorcellerie”, s’enthousiasme Élise Thiébaut.
À l’instar de la toute jeune revue féministe Un Texte à soi, lancée par la librairie Le Comptoir des mots et dont Élise Thiébaut sera justement la prochaine invitée (après un premier numéro signé Camille Froidevaux-Metterie), Nouvelles Lunes permettra de se focaliser sur un sujet à la fois, tout en prenant en compte les nouvelles habitudes de lecture d’une génération de lecteur·ices à l’attention volage et aux temps de pause chronométrés. Il faudra en moyenne deux heures pour parcourir un texte en version papier et 30 minutes pour les versions numériques, sciemment plus courtes afin d’être facilement accessibles et partageables. Outre le format, un soin particulier sera apporté à “l’ambiance”, l’idée étant “de renouer avec les cycles, d’être attentives à des signaux subtils. On est très vite sidéré·es par ce qui se passe en ce moment, à tous points de vue. Tout le projet est de trouver le moyen de se recharger, de sortir de la sidération et de faire fonctionner son imagination”, résume la directrice de collection.
Inscrire cette œuvre littéraire collective sous l’égide de la lune et de ses cycles allait de soi pour celle qui a tant écrit sur les règles (voir Ceci est mon sang et Les Règles, quelle aventure!), “mais aussi parce que la lune et l’écriture sont extrêmement liées”, rappelle Élise Thiébaut, elle qui s’amuse davantage avec cette histoire d’astre plutôt qu’elle ne lui voue un véritable culte. “Je ne passe pas ma vie à me demander où en est la lune, mais je remarque à quel point renouer avec des mythes et des récits qui sont liés à ces cycles apporte quelque chose de profondément apaisant, qui donne envie de se déconnecter pour se reconnecter à autre chose. C’est aussi sortir du calendrier, des agendas, d’un temps prédéterminé et renouer un peu avec la poésie”, résume-t-elle.
Profondément écoféministe, celle qui a signé L’Amazone verte, indispensable biographie de Françoise d’Eaubonne, rappelle à quel point l’émergence de nouveaux récits a quelque chose de politique. “Un féminisme et un écoféminisme ne peuvent pas être seulement dans la résistance, la colère et le combat, mais dans la construction d’alternatives, d’autres possibles”, affirme-t-elle et, tandis que l’on célèbre, de manière plus ou moins artificielle, les cinq ans de #MeToo, ses mots résonnent comme une intention à poser pour le futur. Pour, justement, inaugurer un nouveau cycle. Après la libération de la parole et de l’écoute, voici le temps de la libération des imaginaires.
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