Adaptée d’une série anglaise, cette farce d’espionnage burlesque manque de mordant pour vraiment convaincre. Restent les acteurs, qui font leur show sans retenue.
Le fameux complexe d’infériorité des séries françaises a, semble-t-il, de beaux restes. L’une des comédies en apparence parmi les plus excitantes de l’année, Les Amateurs, est en fait le remake d’une création anglaise de 2013, The Wrong Mans, de James Corden et Mathew Baynton. L’histoire d’un duo de types plutôt moyens, employés dans une entreprise sans relief, qui se retrouvent mêlés malgré eux à une sombre histoire d’enlèvements et de gros sous, avec, en prime, quelques espion·nes qui pèsent dans la balance.
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Un remake franchouillard
On parle d’un complexe d’infériorité car le premier réflexe consiste, ici, à se demander pourquoi une plateforme aussi puissante que Disney +, lancée dans la production de contenus originaux français depuis le début 2022, respectée pour avoir mis en ligne l’excellente Oussekine, se retrouve déjà à manquer d’idées et de convictions quand il s’agit de lancer une nouvelle comédie, après l’inégale Week-End Family avec Éric Judor. La France manque-t-elle à ce point de scénaristes et réalisateur·rices de talent pour envoyer du rire ? Certes, l’originale n’a pas vraiment franchi le mur du mainstream dans l’Hexagone (elle a été diffusée sur Arte) et l’effet de surprise pour une partie du public devrait être réel, mais on ne peut s’empêcher de regretter un certain manque d’imagination.
Regarder les hommes entre eux
Après toutes ces précautions d’usage, peut-on aimer Les Amateurs, une adaptation très fidèle à l’originale, mais dans un autre pays et une décennie plus tard ? La réponse est mitigée. Fred Scotlande, qui dirige la série, avait réalisé en 2016 la très honorable Loin de chez nous, rare fiction de guerre à la française. On retrouve ici sa manière assez émue de regarder les hommes entre eux, clairement son dada. À ses yeux, il y a peut-être quelque chose d’une utopie en marche à voir se constituer un duo de mecs qui n’ont rien à voir entre eux, et trouvent des façons de marcher ensemble. Coincés dans une galère sans nom, les héros des Amateurs prennent la suite d’une longue lignée de buddy movies (et séries) très hétéros, où la virilité est certes remise en cause – ils sont fragiles, pas bien méchants – mais où la moindre incartade potentiellement homoérotique se voit ignorée, comme par principe. Cela donne à la série une vibe un peu datée, surtout au moment où sort le film Bros, qui ringardise pas mal d’histoires d’amitiés masculines old school. On pourrait aussi évoquer le traitement des personnages féminins, parfois intéressant – les femmes sont, pour certaines, plutôt violentes -, mais jamais tenu sur le long cours.
Un casting imparable
Là où Les Amateurs peut plaire et tirer des éclats de rire, c’est grâce à son imparable casting. Vincent Dedienne et François Damiens ont cette façon de marcher juste à côté de l’ironie qui les rend à la fois percutants et attachants, avec l’espace nécessaire pour balancer des vannes. Comme souvent, la comédie se limite ici à cet art de la vanne (ce qui n’est déjà pas si mal) et ne trouve que très rarement une dimension physique, alors que les contrastes entre Dedienne et Damiens auraient pu donner lieu à de nombreuses expérimentations plastiques. C’est, au fond, ce qui manque à la série : une envie de se défaire de l’originale, mais aussi une volonté de s’amuser avec un genre – la comédie d’action – qui aurait pu faire naître un bijou d’inventivité.
Les Amateurs avec François Damiens et Vincent Dedienne, disponible sur Disney +.
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