À l’occasion du centenaire de la mort de Marcel Proust, le 18 novembre, et de l’exposition “Marcel Proust, La fabrique de l’œuvre” présentée à la BNF jusqu’au 22 janvier, à Paris, nous avons demandé à Christine Angot de nous raconter son Proust.
“Comme beaucoup d’entre nous, je savais que À la recherche du temps perdu compte, nous concerne. Je me souviens très bien du moment où j’ai lu les romans pour la première fois. Je devais avoir 22 ans, j’ai acheté l’ensemble dans une brocante à Reims, des vieux exemplaires Gallimard aux pages jaunies et mal imprimées.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
J’ai dû m’habituer à la phrase, et puis je suis entrée dedans, et les ai lus les uns après les autres. Ce qui me plaisait, dès le début, c’est que rien n’était ignoré, ou laissé au hasard. Quand une chose était regardée, elle l’était en entier. Si la phrase ne se terminait pas, ce n’était pas par un effet, mais qu’il y avait encore un aspect, un repli qui n’avait pas été considéré.
Il y avait toujours un rebondissement dans le regard. Tout ce que lui voit, nous l’avons vu, sans penser qu’il était possible, et légitime, d’en rendre compte à ce point, que l’infinité des détails pouvait passer dans des phrases, des mots, des virgules, que tout ce qu’on voit tous les jours peut s’écrire, et peut s’écrire jusqu’au bout.
La dernière fois que je l’ai lu, plus récemment, j’ai vu quelque chose que je n’avais pas perçu à l’époque : que la personne qui écrit est un jeune auteur. Tout vient de l’observation, de la découverte. C’est une personne qui est dans la vie, et qui regarde autour d’elle. Il n’est pas dans l’assurance du tout. Pour nous il est Proust, mais au moment où il écrit Un amour de Swann, il ne le sait pas encore. Il faut qu’il tienne la promesse qu’il se fait. La nécessité de regarder une chose sous toutes les coutures est alimentée, non pas une montagne de connaissances, mais un besoin de s’assurer de ce qu’il voit par le mot. Puisqu’il y a un mot pour dire quelque chose, c’est que la chose existe telle qu’on la voit.
“Céleste Albaret, une bonne introduction à Proust”
J’aimerais parler de Céleste Albaret. Monsieur Proust est un livre magnifique [éditions Seghers, 2022], qui peut être une bonne introduction à Proust si on a peur de le lire. On y trouve un regard sur celui qui a eu une vie, qui n’est pas celle du narrateur. Céleste sait qu’elle participe à l’établissement d’une œuvre.
Un auteur de cette dimension, qui a cette force, ce génie a besoin d’être aidé à la porter. C’est souvent mal vu, comme si la personne qui aide l’artiste était exploitée. Mais il ne s’agit pas de l’ego d’un auteur. Son œuvre n’est pas juste personnelle, elle concerne le monde. Elle nous concerne tous.”
Dernier livre paru : Le Voyage dans l’Est (Flammarion).
Marcel Proust, La fabrique de l’œuvre jusqu’au 22 janvier, BNF, Paris.
{"type":"Banniere-Basse"}