Retrouver les étoiles qui sont tombées du ciel : telle est la tâche que nous confie le Canadien Etienne Trudeau dans son merveilleux premier jeu.
Soudain, la pluie. Tant mieux : elle devrait sensiblement augmenter nos chances d’attraper les grenouilles qui nous manquent et, plus tard, quand elle aura fini de tomber, les escargots qui sont particulièrement vifs cette année. Alors, on pourra les renvoyer éclairer la nuit car, comme les lucioles, les libellules, les criquets, les tétards ou les abeilles, ce sont des étoiles descendues du ciel.
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Telle est notre mission dans Paradise Marsh, le premier jeu conçu en solo (ou quasi) par le Canadien Étienne Trudeau : traquer les petites bêtes à travers un marais sans fin, élaborer les meilleures stratégies pour les attraper avec notre précieux filet à papillons, aller les déposer au monolithe lumineux le plus proche et, finalement, en levant les yeux, dessiner des constellations. Une tâche capitale, donc, mais que l’on accomplira en toute décontraction dans un jeu qui encourage d’abord la déambulation, voire la divagation. Le vrai défi et le premier conseil, c’est d’ouvrir grand les yeux et les oreilles.
Cérémonie
Tiens, des pierres. Et si on les lançait dans l’eau, pour voir ? Et voilà une bouteille près du bord. À l’intérieur : un petit poème, que l’on range avec les autres, trouvés plus tôt. Ailleurs, on aperçoit des chaussettes à étendre, des cannettes à jeter, des bonshommes de neige à terminer. Notre récompense : des petits instruments de musique pour en jouer en marchant. À l’occasion, on se saisit de sachets de graines à planter qui font surgir des fleurs sans tarder. Et que va-t-il se passer si on goûte ce champignon ? Ah, tiens, on voit tout bizarre et nos pieds ne touchent plus le sol.
Si, par sa plastique impressionniste et son ouverture totale de l’espace, Paradise Marsh apparaît comme un héritier de Proteus (avec quelque chose d’Alba : A Wildlife Adventure dans son rapport à la fois émerveillé et méticuleux à la faune locale), son auteur évoque surtout l’influence de la sublime épopée miniature A Short Hike, dont il transpose en partie les logiques en 3D. En plus mystique, néanmoins, car l’expérience Paradise Marsh a aussi quelque chose d’une cérémonie dont on ne saurait dire avec certitude si son temps est celui des premières ou des dernières fois.
Stand-up
Sous l’émerveillement pointe ainsi doucement une certaine mélancolie. Cela n’empêche pas le jeu d’Étienne Trudeau de demeurer une affaire majoritairement joyeuse, jusqu’aux déclarations très écrites de nos proies célestes (colériques pour l’escargot, mégalos pour le scarabée, francophiles pour l’araignée…) à la limite du numéro de stand-up animalier.
Souvent, les arbres semblent surgir du sol à notre approche. En général, dans les jeux vidéo, cet effet de clipping est considéré comme un grave défaut, un affront à la sacro-sainte immersion. Mais pas ici, pas dans cet univers aux teintes irréelles dont le côté vibrant découle de son artificialité même et de sa manière de nous observer pour réagir à notre passage autant que, nous, on le regarde. Il serait dommage de dévoiler ici la fin de ce fabuleux mini-voyage. On se contentera donc de signaler qu’elle est, comme le reste, parfaite.
Paradise Marsh (LazyEti), sur Switch, Xbox One, Xbox Series X/S, Mac et Windows, environ 10€. Textes en anglais
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