Sur son nouvel album, le chanteur et musicien britannique poursuit sa quête du merveilleux.
Alors que depuis le 28 juillet, l’humanité a déjà consommé toutes les ressources que la planète peut produire en un an, Brian Eno accompagne cette mise au point d’une partition qui, si elle favorise la mélancolie, invite surtout au réenchantement.
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Ce “pour toujours et à jamais” formule ainsi en dix séquences distinctes, par leur tonalité et leur dispositif vocal et/ou instrumental, un chant d’adieu à notre chère Gaïa, tout en sondant les gisements de beauté et de poésie qu’elle recèle encore.
En résumé : plutôt que de se lamenter sur ce que nous avons définitivement perdu, tâchons d’admirer et célébrer ce qu’il nous reste. Soit l’extinction, mais sans la rébellion. Si l’on ne peut contester la portée humaniste du projet, impossible d’ignorer l’omniscience de celui qui l’a fécondé.
Brian Eno, non-musicien gourmand
Des exubérances chamarrées de Roxy Music à l’aride minéralité de sa série “ambient”, en passant par la quête d’africanité de My Life In the Bush of Ghosts, Brian Eno explore depuis un demi-siècle avec une rare gourmandise le vaste champ des possibles sonores, élargissant par là-même celui de nos écoutes, sans rien renier de ses attachements pour la pop, le gospel ou le doo-wop.
Qu’il n’ait jamais renoncé à chercher l’oreille du grand public en produisant Bowie, U2 ou Coldplay ajoute une singularité au profil d’un individu qui a exigé de voir porter sur son passeport la mention “non-musicien”, négation qui suggère à tout le moins un élargissement des compétences, une extension des pouvoirs.
En dehors du monde
Car c’est bien en sorcier animiste qu’il imprime sur ce nouvel album comme un désir inextinguible d’équilibre spirituel, une volonté de rejoindre une quiétude épanouissante, loin des pressions d’un monde frénétique, d’une cacophonie devenue toxique, faisant usage de sources variées, du synthétiseur à la voix humaines (la sienne évoquant parfois le fantôme de Scott Walker) en passant par le chant d’oiseaux, dans une approche résolument non rythmique, mixant ambient et chant religieux comme sur ce There Were Bells qui épouse l’ascétisme des antiennes monacales.
Lui, l’agnostique visité, qui dit croire à la religion mais pas en Dieu, entouré ici par une authentique parentèle – son frère Roger, sa nièce Cecily, sa fille Darla, son fils spirituel Jon Hopkins – n’en est plus à s’interroger sur le destin désormais scellé des hommes, préférant scruter les étoiles. Ainsi de Inclusion qui s’écoute comme on s’émerveille d’une aurore boréale. Pèlerin sans pèlerinage, prêtre sans prière, il n’a désormais d’autre quête que le merveilleux.
Forever and Ever No More (Opal/Decca/Universal). Sortie le 14 octobre.
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