Les pérégrinations entre réel et fantastique d’une jeune femme seule. L’Allemande Aisha Franz confirme avec éclat(s de noir) son grand talent graphique et narratif.
Avec Petite Terrienne et Brigitte et la perle cachée, la jeune auteure allemande Aisha Franz faisait la part belle à la fantaisie, dissimulant derrière leurs rebondissements pétillants des récits sensibles aux préoccupations existentielles. Dans Shit Is Real, d’emblée plus sombre, c’est par un cauchemar que débute le récit.
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Une jeune femme, Selma, erre dans le désert, sans arriver à contacter personne. Quand elle se réveille, ce n’est guère mieux : elle s’est fait larguer par son copain, elle a quitté son boulot et sa meilleure amie Yumi la sermonne tout en lui infligeant le détail de sa propre réussite – un job prenant, un nouvel appart où elle emménage avec son compagnon.
Commencent alors pour Selma des journées de solitude, d’incertitude. Dans un Berlin ultramoderne et stressant, elle cherche un sens à sa vie, trompe l’ennui de fêtes ennuyeuses en conversations sans intérêt. Son seul frisson est de s’introduire en cachette dans le confortable appartement de sa voisine toujours absente.
Une véritable réflexion sur le stress de la vie moderne et urbaine
Petit à petit, Aisha Franz fait prendre à son récit un tournant fantastique. Un tableau, un trou dans le mur, le verre d’un aquarium font passer Selma dans une réalité alternative tantôt triste, tantôt cauchemardesque, où elle subit les ordres de son ex, un job inutile, la dureté de Yumi.
Aisha Franz joue avec une grande fluidité avec les frontières entre rêve et réalité. Elle laisse souvent planer le doute sur la véracité des événements, le fantastique imprégnant constamment le quotidien de Selma. Encore plus maîtrisé graphiquement – avec un trait au crayon inventif et léché – et narrativement que ses deux précédents albums, Shit Is Real propose une véritable réflexion sur le stress de la vie moderne et urbaine, sur la conformité et la norme, sur l’obsession de la réussite, sur la pression sociale, sur la notion d’accomplissement personnel. Aisha Franz laisse cependant entrevoir une issue apaisée et positive, fondée sur l’amitié.
Shit Is Real (L’Employé du moi), traduit de l’allemand par Florence Bouchain et Sacha Goerg, 288 pages, 21,50 €
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