Alourdi par une logique parfois trop punitive envers son personnage principal, un récit de reconstruction qui trouve sa lumière grâce au visage insubmersible de l’actrice Rita Burkovska.
Butterfly, c’est le nom de code de Lilia lorsqu’elle intervient sur le terrain en tant que spécialiste en reconnaissance aérienne pour l’armée ukrainienne. Télécommandé par la femme-soldat, le drone survole les différents champs de bataille du Donbass. Lorsque, soudain, l’appareil vacille, puis tombe. Noir. On retrouve Lilia à sa libération, revenant dans son pays après plusieurs mois de captivité où elle a subi multiples violences et humiliations. Un retour à la réalité où se mélange sa difficile réinsertion à sa douleur, impossible à partager avec ses proches, ces derniers ne pouvant que l’accompagner en silence (à l’image d’un mari impuissant lorsqu’il apprendra bientôt une terrible nouvelle).
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Le nom de code attribué du personnage n’est pas anodin, tant le film de Nakonechnyi décrit l’inexorable phénomène de l’effet papillon, ou comment une modification intime peut entraîner avec elle dans sa chute tout l’ordre établi qui l’entoure. Une véritable descente aux enfers, dont Lilia ne sera pas épargnée. À cette logique punitive et parfois trop sentencieuse imposée par le récit envers son héroïne, s’oppose toute la résistance de son actrice, Rita Burkovska, impressionnante de droiture, même dans ses silences les plus lourds. Ce n’est alors plus tellement le phénomène de l’effet papillon que l’image raconte, mais, par la force du visage de Burkovska, l’identité mutante du lépidoptère, s’échappant courageusement de sa chrysalide pour mieux voler à nouveau, comme autrefois le faisait son drone.
De cet appareil de reconnaissance, justement, cet œil qui voit tout, comme une version 2.0 du phénomène du panoptique déjà brillamment théorisé dans le documentaire d’Éléonore Weber, Il n’y aura plus de nuit, Nakonechnyi n’en dit hélas pas grand-chose de nouveau. Rien de sa nature voyeuriste ni de son pouvoir (voir sans être vu) mais, à la place, un effet formel un peu artificiel pour retranscrire les terribles réminiscences du passé de Lilia grâce à l’utilisation de glitches (ces mêmes distorsions d’images qui frappaient l’appareil de reconnaissance de la militaire).
Il demeure un effet, si ce n’est nouveau, mais particulièrement efficace, emprunté au cinéma de suspense (et le plus puissamment exécuté dans Fenêtre sur cour d’Hitchcock), lorsque, pour la première fois, l’appareil de surveillance que jadis manipulait Lilia vole au-dessus d’elle et l’observe : l’ex-voyeuse devient à son tour la cible d’un regard. Là, Butterfly Vision nous rappelle judicieusement que le vrai combat ne s’opère plus tant sur le champ de bataille et que la guerre des images à pris définitivement le pas sur la guerre des corps.
Butterfly Vision de Maksym Nakonechnyi avec Rita Burkovska. En salle le 12 octobre.
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