C’est Jean Nouvel qui hérite du projet de l’île Seguin à Boulogne. La vision de l’archistar sera-t-elle à la hauteur de ce “symbole du mouvement ouvrier français”?
Depuis la fermeture des usines Renault en 1992, l’île Seguin à Boulogne-Billancourt est une forteresse à prendre. Après des dizaines de projets avortés (Fondation Pinault, parc de sculptures, pôle de recherche scientifique), c’est finalement l’architecte Jean Nouvel qui reprend les rênes du projet au poste d’architecte urbaniste coordonnateur.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Nouvel, qui compte aujourd’hui parmi les architectes les plus prisés du moment (en 2008, il a obtenu le prestigieux prix Pritzker), s’intéresse à l’île Seguin depuis plus de dix ans. En 1999, il publie dans Le Monde une tribune incisive intitulée “Boulogne assassine Billancourt”. “Aujourd’hui, qui assume la responsabilité morale de ne pas laisser oublier ou salir un symbole majeur du mouvement ouvrier français ?” interpelle Jean Nouvel. Plus loin, c’est “aux étudiants et architectes des projets de demain” qu’il fait appel : “Le temps des rénovations au bulldozer est révolu. Si vous laissez raser l’île Seguin, vous augurez mal la conscience urbaine qu’on attend de vous.”
Comble de l’ironie, dix ans plus tard, c’est lui qui se retrouve à la tête de la coordination d’un projet dont la mue, depuis la fin des années 90, s’est avérée douloureuse. Pire, après l’abandon par François Pinault (en 2005) de son projet de fondation dessinée par l’architecte Tadao Ando, les bâtiments de l’ancienne usine Renault ont été démolis et le site entièrement dépollué. Aujourd’hui, plutôt qu’à un haut lieu de la mémoire ouvrière, le projet porté par une société d’économie mixte (SAEM) qui réunit la ville de Boulogne-Billancourt, le département des Hauts-de-Seine et la Caisse des dépôts et consignations ressemble à un complexe culturel.
Ce gigantesque chantier, qui devrait prendre fin en 2015, compte un pôle cinéma, un pôle musical (avec deux salles de spectacle et des studios d’enregistrement), un pôle d’art numérique ainsi qu’un jardin de 4 hectares. Objectif : faire de l’île Seguin l’un des piliers du Grand Paris et de la “Vallée de la culture” défendus par Nicolas Sarkozy le 29 avril à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
Résultat : pour d’aucuns, Jean Nouvel n’est rien de moins qu’un architecte d’Etat. Pour les Verts de Boulogne-Billancourt, par exemple, “il est l’architecte des présidents, qui a fait l’Institut du monde arabe pour François Mitterrand et le musée du Quai Branly pour Jacques Chirac”. Si Jean Nouvel n’est plus à coup sûr le “militant défenseur d’un intérêt général” tel qu’il se définissait à l’époque, on peut néanmoins espérer qu’il saura porter avec passion et conviction un projet culturel et architectural exigeant.
{"type":"Banniere-Basse"}