Le nouveau jeu d’Ubisoft fait s’affronter chevaliers, vikings et samouraïs en adaptant les principes des jeux de tir en ligne à ses combats barbares à l’arme blanche. Le résultat est aussi technique qu’intense – et rapidement obsédant.
De tous temps, les chevaliers, les vikings et les samouraïs se sont affrontés, au point de ne plus vraiment savoir, après quelques dizaines ou centaines d’années, comment le conflit avait commencé ni ce qui, au départ, les opposait. Et d’en conclure que cela n’avait aucune importance. On exagère un peu car le musclé For Honor, possède quand même un mode solo scénarisé, mais le jeu ne fait pas mystère de ses priorités : l’intrigue, le contexte ne sont que des prétextes et c’est ici l’action qui compte. C’est-à-dire, tout simplement, ce que l’on fait, ce que cela produit et ce qui nous arrive, à nous individuellement et à nos camarades de combat en ligne. Si l’Histoire, la grande, est un peu (beaucoup) sacrifiée, les histoires à (se) raconter seront multiples, diverses et entêtantes. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’on en rêve la nuit.
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Superproduction d’Ubisoft Montréal, For Honor est, dans le sillage de The Division ou de Steep, un nouvel exemple de ce qui semble être aujourd’hui la stratégie de l’éditeur français : rapprocher toujours plus l’expérience solo et le multijoueurs en ligne ; penser ses jeux autant comme des services évolutifs (avec des ajouts réguliers, des rendez-vous…) ou des plateformes (sur lesquelles on s’installe et que l’on ne quitte que pour y revenir rapidement) que comme des produits ou des œuvres.
Y aller en touriste ou renoncer à tout autre jeu
On ne se lance pas dans For Honor comme dans un Assassin’s Creed ou un Watch Dogs, avec l’idée de finir le jeu au bout de quelques jours ou semaines, mais plutôt comme on se mettrait à un sport. On commence par apprendre les bases, on s’entraîne et, quand on se sent prêt, on plonge dans le grand bain, c’est-à-dire en ligne.
A partir de là, la progression du joueur comme celle de son personnage (qui gagne en expérience, voit son niveau augmenter, améliore son équipement…) paraissent sans limite. Se lancer vraiment et pas en touriste, pas juste pour voir, dans For Honor c’est, comme dans Overwatch ou Destiny, comme dans les parties online de FIFA ou de Battlefield, comme dans un MMORPG ou, d’une certaine manière comme dans Minecraft, potentiellement renoncer à tout autre jeu. C’est une décision presque arbitraire et, essentiellement, un engagement.
Quand Dark Souls rencontre Street Fighter
« Engagez-vous« , nous demande donc en substance For Honor, et il ne manque pas d’arguments pour convaincre le joueur hésitant de se laisser tenter. Reprenant le type d’épreuves et la structure des FPS en ligne modernes pour les transposer dans un univers moyenâgeux où les affrontements se font à l’arme blanche, le jeu évolue quelque part entre Dynasty Warriors (pour les flux et reflux de ses foules combattantes) et Chivalry : Medieval Warfare (qui, lui, se pratiquait en vue subjective).
Son principal atout est son système de combat, qui parvient à concilier richesse et lisibilité – la prise en main des combattants est instinctive mais leur parfaite maîtrise sera un objectif à long terme. Il réussit aussi à donner une présence physique, une lourdeur aux corps sans que cela ne nuise au dynamisme des affrontements – imaginez un Dark Souls qui aurait appris à danser avec Street Fighter.
Pour s’en sortir, il sera essentiel de jouer collectif et de ne pas laisser ses trois camarades (pour les modes de jeu les plus stimulants, qui se jouent en équipes de quatre) livrés à eux-mêmes. A deux contre un, ça rigole, mais quand on se retrouve coincé dans une ruelle obscure par trois héros de la team adverse, il est difficile d’éviter une issue fatale. Alors on rit, on pleure, on souffle, on peste. On remercie intérieurement (mais pas seulement, grâce au mini-chat intégré) ce coéquipier miraculeusement apparu pour nous sauver et on maudit tel autre qui, dans le feu de l’action, prend de si mauvaises décisions – pires que les nôtres, c’est dire.
Chacun son style
For Honor est une discipline intense, une école de la patience, une quête personnelle (l’objectif : trouver son style – le nôtre est offensif et, hum, assez aléatoire) et, aussi, une collection de micro-aventures humaines. Dont l’intérêt dépendra inévitablement de la profondeur de notre engagement.
C’est la limite de la critique appliquée à ce type de jeu-sport pour lequel la pratique individuelle au moment de sa sortie n’est qu’une petite partie de l’équation. Faut-il juger les règles, le terrain de jeu, se baser sur nos propres sensations ou sur ce que réalisent ses meilleurs joueurs, ses Messi, ses Djokovic, ses Teddy Riner ? Peut-être faudrait-il attendre de voir comment le jeu évolue avec le temps, aussi bien au niveau de ses adeptes que de ses épreuves.
Mais peut-être, au contraire, que sa véritable qualité est son potentiel (immense), que s’il ne le réalise pas sur la durée les joueurs seront les seuls à blâmer et que la meilleure période, c’est justement maintenant : quand son destin est encore incertain, quand chacun le découvre au même moment, intrigué, motivé, frémissant. S’engager complètement dans l’expérience est alors un choix, un beau pari forcément déraisonnable. L’obsédant For Honor n’est d’ailleurs pas un jeu très raisonnable. C’est un compliment.
For Honor (Ubisoft), sur PS4, Xbox One et PC, de 50 à 70€
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