Adaptation d’un comics Marvel, Legion, la nouvelle série du créateur de Fargo, Noah Hawley, détonne par son ambition et sa puissance visuelle. Faut-il plonger pour autant ?
Il faut parfois se battre contre les buzz. En matière de séries, il se pourrait même que l’exercice devienne vital, étant donné la profusion des nouvelles propositions – plusieurs par mois, au minimum – et la vitesse à laquelle les avis dithyrambiques se multiplient sur les réseaux sociaux, à coups de microcritiques tapageuses.
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Legion en constitue le dernier exemple en date. Un événement ? Sans aucun doute. Cette série inspirée de l’univers Marvel a été développée par Noah Hawley, qui en a également réalisé le mastoc pilote diffusé aux Etats-Unis début février.
Ce garçon presque quinqua a émergé ces dernières années en signant Fargo, une réinterprétation du film neigeux des frères Coen qui réussissait l’exploit d’imposer une patte personnelle, un rapport à la violence et à la bêtise humaine assez inédit. Autant dire que son incursion dans le domaine des superhéros avait quelque chose de très excitant.
Legion suit les pas de David Haller (Dan Stevens), un jeune homme intranquille qui semble avoir passé sa vie à buter contre les normes que lui impose le monde. Le diagnostic le concernant paraît sans appel : schizophrénie, sociabilité impossible, enfermement. Le voilà qui gobe des pilules dans une institution digne de Vol au-dessus d’un nid de coucou.
En réalité, il est doué de télékinésie et pourrait bien avoir été placé là pour contrôler des pouvoirs qui n’appartiennent qu’à lui. Les pouvoirs d’un mutant. Le premier épisode tourne autour de cette idée simple et attendue, simili X-Men, avec une virtuosité assez bluffante.
Effets visuels et sonores
Contre la plupart des anciennes lois télévisuelles qui ont fait la grandeur des séries, Legion ne se contente pas d’enregistrer des paroles en grand nombre, mais privilégie une approche visuelle des enjeux narratifs qu’elle convoque. David vit à la fois dans un monde qui l’oppresse et dans l’univers d’infinis possibles que lui procure son cerveau rêveur et souple.
La série incarne cet état contradictoire en jouant d’effets visuels et sonores constants – divers modes de ralentis, passages d’une réalité à une autre, musiques – qui lui donnent l’apparence d’un trip tour à tour merveilleux et cauchemardesque. Quand le jeune homme se rapproche d’une nouvelle venue, une blonde qui n’aime pas être touchée, le pilote trouve ses plus beaux moments : cette romance suspendue et fragile donne une épaisseur émotionnelle à l’épisode, dont il manque cruellement par ailleurs.
Legion a beau être personnelle et singulière dans ses premiers pas, un drôle de goût survit en bouche après le visionnage. Celui d’une maestria au service d’elle-même, dont le but serait d’empaqueter joliment une histoire au fond très banale, voire déjà vue, qui mériterait un peu plus de simplicité pour toucher au cœur. “Trop de couleur distrait le spectateur”, dit un jour Jacques Tati. Noah Hawley, lui, ne semble jamais hésiter à donner trop de tout, emporté par son désir de complexité et son ambition louable mais étouffante.
Devenir fragile
Il n’est pas seul dans ce cas aujourd’hui. Westworld, récemment, a donné elle aussi l’impression d’en faire trop avant de trouver la bonne distance en fin de première saison. Mr. Robot (à laquelle on pense beaucoup) s’est suffoquée elle-même après une bardée d’épisodes finalement trop malins. La défunte Utopia pourrait compléter la liste.
A chaque fois, ces séries proposent des univers narratifs qui sont aussi des univers mentaux, prenant le risque de se perdre dans les labyrinthes qu’elles ont créés. Il faut espérer que Legion deviendra plus fragile avec le temps, moins sûre de ses bases, pour s’ouvrir peu à peu, comme une fleur délicate.
Legion sur FX
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