72 heures avant la présentation de sa septième collection, qui sera dévoilée dans le cadre de la Fashion Week parisienne, le créateur de 26 ans nous accueille dans son studio à Pantin.
En descendant l’escalier menant au studio Maitrepierre, on pensait surprendre le jeune créateur en plein chaos – de coutume à quelques jours d’un défilé. Ce n’était pas le cas. Les mannequins sont bien là – en plein essayage ; les machines à coudre ronronnent et les téléphones sonnent régulièrement. Alphonse Maitrepierre reste serein. Il répond à chacun avec douceur, ajuste simultanément les bretelles d’une tenue et le volume de la musique berçant le studio. Alors que notre échange débute, on devine la voix d’Aretha Franklin entonnant I Say a Little Prayer.
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Sur le mur perpendiculaire à son bureau, les vignettes des silhouettes composant le fil de sa collection sont alignées, surmontées des échantillons de tissu et noms des mannequins qui les porteront : “C’est la deuxième fois que nous figurons au calendrier officiel parisien. Nous sommes ravis et impatients”, dit-il.
De Desigual à Christian Lacroix
À son agenda, ce n’est pas une, mais deux collections qu’il faut présenter. Celle de son label, lancé en 2019, quelques mois avant la pandémie du Covid-19. Puis celle qu’il a pris plaisir à imaginer pour la maison espagnole Desigual. Les deux ont été composées en suivant un processus éco-responsable : “C’est onéreux, difficile quand on est une jeune marque, mais primordial. Quant à Desigual, nous partageons ces valeurs et nous avons pu développer ensemble des process de revalorisation étoffés, notamment en ce qui concerne le jeans.”
Avant lui, c’est le couturier Christian Lacroix, qui se prêtait au jeu de la capsule avec la maison espagnole. Connu pour avoir dépoussiéré les codes de la couture à la fin des années 1980, il fait partie des inspirations clé de l’univers Maitrepierre : “J’admire profondément la manière dont il a donné une place à la narration dans ses collections. Son approche démontre que la mode est un moyen formidable de raconter des histoires fortes et de faire rêver. La mode est un art, il faut clore ce faux débat.”
Un style unique
Après des études à La Cambre à Bruxelles et des expériences chez Jean-Paul Gaultier et Acne, Alphonse Maitrepierre fonde sa marque à tout juste 23 ans, financé grâce au consulting qu’il exerce chez Chanel. Rapidement, les silhouettes de ses collections apparaissent dans les plus grands magazines — Vogue Italie ou le titre d’avant-garde Novembre.
Il se distingue en assemblant deux aspects contradictoires au premier abord : les motifs pixélisés 3D et l’univers de la haute couture. Au fil des collections, il met en place ce style signature et devient le créateur aux sacs en forme de manette de console.
Une production éco-responsable
En plein envol, l’épidémie du Covid-19 rebat les cartes : la marque passe à une production 100 % upcyclée : “C’était aussi par nécessité financière”, reconnaît-il, avant d’ajouter : “Le Covid m’a permis de réfléchir à de nouveaux processus de fabrication et de création. J’ai pu réaliser deux collections avec le service de collecte Le Relais. L’une était composée de couvertures en laine et de draps en lin.” Femme buisson ou fleur, la collection surréaliste intitulée Bloom – soit floraison -, sort à la fin du Covid-19, tel un hymne surréaliste défendant la créativité. “Il n’y avait rien de commercial, mais c’était hyper libérateur. Je ne savais ce qu’il allait advenir pour la marque. Alors le but était de rêver”, confie-t-il.
Pari réussi, puisqu’il remporte quelques mois plus tard le prix de la Ville de Paris récompensant les marques émergentes. “Je ne me vois pas ailleurs qu’à Paris pour faire de la mode. La scène jeune est pleine d’énergie. Il y a un souffle cool : on sent qu’on est regardé et soutenu. Chaque semaine, je découvre des artistes, des amis qui font des collaborations. J’adore le groupe KLON, ou encore l’artiste Pol Taburet. Paris bouillonne”, conclut-il.
La suite pour Alphonse Maitrepierre ? “J’adorerais reprendre une grande maison de couture un jour. Je rêve de Poiret, par exemple, dont les archives sont passionnantes.” We’ll Say a Little Prayer…
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