En friche depuis l’escapade d’Alex Turner avec les Last Shadow Puppets, les Arctic Monkeys reviennent, déjà, avec un troisième album épatant. On a pu l’écouter : on vous dit tout ici. En prime, l’écoute du premier single, Crying Lightning.
Le troisième album des Arctic Monkeys a pris son temps pour se trouver un nom, Humbug, mais il a déjà un son : turbulent et complexe, instinctif et érudit, vif et raffiné. Une combinaison de sensations qui, sur les huit titres écoutés (parmi les dix que contiendra l’album et les 25 enregistrés), ressemble encore une fois à une formule gagnante pour le quatuor supersonique de Sheffield, quatre ans seulement après leur première spectaculaire éclosion.
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Sur le papier, pourtant, ce passage vers l’age adulte d’un groupe dont la fougue était notoirement liée à sa jeunesse comportait pas mal de zone d’ombres. Pour la première fois depuis son démarrage en trombe, le groupe était resté en friche pendant plusieurs mois, le temps de laisser son leader occuper seul le terrain avec ses Last Shadow Puppets de glorieuse mémoire. L’atterrissage du retour sur la planète des singes n’était pas sans risque pour Alex Turner, surtout après une telle odyssée au firmament de la pop qui pouvait rendre son ancien bercail moins excitant et stimulant que lorsqu’il l’avait quitté.
L’autre inconnue, c’était ce choix plutôt curieux de s’en remettre en grande partie à Josh Homme (Queens of The Stone Age) pour la production, avec une transhumance obligée vers Joshua Tree, où se trouve le home sweet home studio de Homme. Déracinés pour la première fois de leurs pénates anglaises, les Monkeys devaient également encaisser le choc du dépaysement musical en travaillant avec un type dont l’œuvre globale se situe plutôt loin de leur habitudes. Même si une partie du disque aura été réalisée de l’autre côté des Etats-Unis, à Brooklyn, en compagnie du plus rassurant James Ford (de Simian Mobile Disco, déjà à l’œuvre sur Favorite Worst Nightmare et sur l’album des Puppets), il y avait un risque que les quatre post ados se retrouvent totalement déboussolés par leur aventure américaine. Des déclarations un peu hâtives, filtrant de l’enregistrement, laissaient d’ailleurs croire à une possible fonte de l’esprit Arctic dans les forges en fusion de Black Sabbath.
Rassurons-nous, il n’y a rien de tel, mis à part quelques saillies métalliques qui tombent par surprise au milieu d’un titre, comme sur le bien nommé Dangerous, qui possédait pourtant au départ une belle patine country rock. Le dénominateur commun de cette nouvelle livraison se situe précisément dans cette agitation permanente et assez jouissive qui voit chacun des titres passer rapidement d’une humeur à l’autre, sans répit pour le cerveau qui doit encaisser un nombre d’informations assez délirant en quelques minutes.
Le premier single, Crying lightening, est à ce titre un modèle. Pas évident au premier abord, avec sa basse énorme qui fait trembler la maison, il déploie ensuite des trésors d’astuces qu’un travail très élaboré sur les voix permet de mettre en relief. Dans sa forme, on sent que le modèle d’écriture sophistiqué que Turner a testé avec ses Last Shadow Puppets a eu ici un réel impact. Ce sera aussi le cas plus loin sur Secret door, qui multiplie les faux rythmes, les accélérations et les ruptures tout en préservant cette vigueur juvénile qui a fait la réputation des Monkeys. Les guitares western et l’orgue vintage qui soulèvent l’excellent Propeller prouve également que le groupe a mis à profit sa petite retraite pour étudier à fond les B.O. de Ennio Morricone.
Dans le débit assez frénétique de l’album, la seule véritable pause est ménagée par ce qui sera le second single, Cornerstone, un titre mid-tempo d’une extrême fluidité, armé d’une mélodie aux accents nostalgiques qui devrait tout déchirer lors de son passage sur les ondes. S’il est impossible de déceler la part du boulot revenant à Josh Homme et celle incombant à James Ford, ce qui est signe d’une symbiose réussie, l’empreinte américaine traverse de part en part ce disque en perpétuel mouvement, même si les racines de ce lierre grimpant demeurent solidement ancrées, notamment au niveau des textes, dans l’Angleterre des 00’s.
Deux titres plus robustes s’invitent dans la ronde pour pimenter un peu les débats : Pretty visitors avec son orgue acide et son caractère en pétard punk-rock, puis le plus étonnant Potion approaching où les Monkeys se laissent égarer à travers une jungle rythmique aux accents tribaux. Mais la pièce de choix reste le titre qui clôture l’album, un peu à la manière de 505 sur le précédent : une longue dérive de 6 minutes intitulée The Jeweller’s hands, titre pour la première fois composé au piano par Turner, qui possède des reflets de certaines B.O. de John Barry dilués dans des paysages psychédéliques en trompe l’œil. Si les deux titres restant, que nous n’avons pu entendre, culminent à de telles altitudes, les singes passeront à coup sûr l’hiver en apesanteur.
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