Avec cette quête des origines qui nous plonge dans l’Espagne de Franco, Maria Larrea signe l’un des premiers livres les plus réussis de la rentrée. Entretien.
À 27 ans, Maria Larrea a appris qu’elle n’était pas la fille de ses parents, immigré·es espagnols devenu·es concierges dans le centre de Paris. Elle a aussi pris conscience qu’il et elle avaient été eux-mêmes des enfants abandonnés.
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Larrea raconte ici les histoires de Victoria et Julian, en pleine dictature franquiste, qui lui font penser, dit-elle, au film Terre sans pain de Buñuel. En parallèle, elle se souvient de sa propre enfance, marquée par le mépris de classe qu’elle doit affronter très tôt, et par sa passion pour le cinéma qui l’aide à se construire. Cette ancienne de la Femis nous emporte ensuite dans les rebondissements d’une l’enquête à la recherche de sa mère biologique.
Vous auriez pu céder au mélodrame, or non…
Maria Larrea – C’est dans mon tempérament. Quand on fait face à tant de violence, il ne faut pas se laisser déborder, sinon on se noie. J’ai conservé dans mon écriture un système de défense qui date de l’enfance. Et ce livre mêle enquête, récit autobiographique et reconstitution. C’est ce que je tente de faire également au cinéma, dans mes courts métrages, car ce mélange des genres me ressemble : je suis un mélange d’histoires. La structure du livre s’est imposée très tôt. Nous avons tous trois été abandonnés, il fallait que j’alterne les enfances de Julian, Victoria et la mienne jusqu’à la révélation. Une fois que la narratrice est adulte, le ton pouvait changer et alors c’est Kill Bill, on entre dans quelque chose de plus libre, de plus contemporain.
Vous mettez en scène la violence sociale, rencontrée très jeune.
C’est le lot des enfants de concierge dans les beaux quartiers. Nos parents faisaient le ménage chez les parents des autres. Cette question du patron et de l’employé se rejouait dans la cour de récré, en tout cas c’est ce que je ressentais. Ma scolarité ne s’est pas très bien passée et en même temps, l’école a été une planche de salut. C’est là qu’on rencontre les bons professeurs et les bons livres. C’est là que j’ai entendu parler de la Femis à 12 ans.
Pourquoi avoir fait un livre et non un film ?
Pendant des années, j’ai voulu réaliser un film sur ce sujet. J’ai écrit un scénario qui a gagné un prix au festival Premiers Plans d’Angers, mais je n’ai pas trouvé de financements. Comme si cette histoire ne pouvait être autre chose que de l’écrit. Le film n’a pas pu exister, mais quand je tiens mon histoire dans mes mains et que je peux la tendre à Victoria qui est toujours en vie, je trouve ça extrêmement puissant. Cela dit, je ne lâche pas l’affaire, et je suis en train d’écrire un film d’horreur sur la maternité.
Propos recueillis par Sylvie Tanette
Maria Larrea, Les gens de Bilbao naissent où ils veulent (Grasset) 224 pages, 18,50 €
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