Entre le 12 et le 17 septembre, on a sillonné les salles parisiennes en enchaînant les concerts de Kiwi Jr., Vera Daisies, Pip Blom, MSS FRNCE ou encore Eggs. Récit de six soirées intenses.
Un coup de grisou amorce la semaine. Sur la scène de La Boule Noire, Bad Bad Bird, échappée du trio Toybloïd, déroule ses premiers titres en solitaire, tous charpentés par des guitares pop/punk et une écriture à la naïveté bienfaisante. Le grain de l’adolescence persiste, même à travers sa relecture personnelle de Rimini des Wampas, et prépare le terrain avant qu’il ne soit entièrement labouré par les chiens fous de MSS FRNCE.
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Après une entrée fracassante, le quatuor parisien nous attrape par le col. C’est leur dernière date, alors un seul mot d’ordre : foutre le bordel. De Paris est une Fête à Bahamas, les gars débitent coup sur coup les chansons de I à V, leurs EP et albums parus entre 2016 et 2020, tout en lacérant la scène. Martin, frontman aux allures de gendre idéal avec ses petites lunettes rondes et la chemise bien rentrée dans le pantalon, défonce le plafond avec son pied de micro, escalade les suspensions de la scène, se jette dans la foule et, surtout, crie très fort. MSS FRNCE, la seule et l’unique.
Les pépites de la Maroquinerie
Après un second saut à La Boule Noire, le mardi soir, pour Les Inrocks Super Club, où ont défilé l’effrontée Lalla Rami, le rappeur Damlif aux inspirations lomepalesques, la starlette BabySolo33 et l’incandescent Selman Faris, on débarque à La Maroquinerie, le mercredi, pour Protomartyr. Dans une salle pleine à craquer, où les murs sont déjà en sueur, Joe Casey, le leader, déboule en costard crado, le regard vitreux et les lèvres amorphes. Il ouvre un pan de sa veste, sort quelques bières et les aligne par terre, près du micro. Sous les cris confus et les rires francs, le chanteur fourre sa main dans sa seconde poche et réitère l’opération. Le décor est planté, le concert peut commencer. La cymbale de Day Without End crépite et sa basse, inquiète, instaure une tension qui martyrise les impatient·es. D’emblée, la bande de Detroit embraye sur Cowards Starve, issu de The Agent Intellect, leur disque pépite sorti en 2015, avant d’écumer les meilleurs titres de son répertoire – The Devil In His Youth, Pontiac 87 et Jumbo’s en tête. Quand l’ampli de basse rend l’âme, Joe Casey se met à distribuer des “shut up” avec des yeux accablés, scrutant aussi bien le sol que le public. Il balaye d’un revers de main les “Come on !” et “I love you” avant de présenter ses musicien·nes, lâcher (quand même) un petit “merci” et remettre en branle sa carrure d’écorché vif, entre le poète beat un peu poisseux et le daron au passé post-punk. Le rappel engourdit le set, mais Protomartyr se font tellement rares qu’on reste jusqu’au dernier riff.
Jeudi soir, on remet les pieds à La Maroquinerie. Sur scène, dans un faisceau de lumière édulcoré, apparaît Vera Daisies, l’alias de la multi-talentueuse Margaux Jaudinaud, moitié d’Ottis Cœur et graphiste, notamment aux manettes d’une poignée de clips pour le trio punk lyonnais Johnnie Carwash. En solo, Vera Daisies déballe des titres inédits, jamais enregistrés, accompagnée d’une guitare électrique et, de temps à autre, d’un téléphone à fil raccordé à un micro. La voix intense d’une première ballade, dépouillée de toute niaiserie, brouille la vue. Puis, des riffs grésillants façon The Kills (période No Wow et Midnight Boom) animent un set (trop) court avant de refermer la parenthèse enchanteresse en douceur. Affaire à suivre ! De son côté, Tess Parks débarque en baronne du rock psyché actuel. Raffinée, la Canadienne balaye sa discographie sans bavure, de And Those Who Were Seen Dancing, sa dernière livraison arrivée cette année, à sa collaboration avec Anton Newcombe (et le fameux Please Never Die), en passant même par quelques vieux joyaux comme Somedays, extrait de son tout premier disque, Blood Hot, sorti en 2013. Si la stature droite, mais jamais froide, de Tess lui flanque un côté déesse intouchable, sa musique laisse le public gondoler, voire slamer, dans l’ambiance rougeâtre.
D’un squat domestiqué de Clichy au retour à La Boule Noire
Pendant ce temps, Agar Agar investit le Wonder, à Clichy. Devant ce squat domestiqué s’élève une tour d’Algeco de plus de dix mètres, surmontée d’une grue luminescente. L’ambiance est berlinoise, la salle enfumée. L’écrin idéal pour assister au retour sur scène d’Agar Agar, le duo ayant eu le bon goût d’éviter les salles traditionnelles après quatre années à cogiter sur le successeur de The Dog and the Future (2018), déjà défloré avec le titre Trouble. Le public ramassé devant la scène est en surchauffe, à l’image d’un groupe généreux et transpirant, à la limite de la tentative d’appel à l’insurrection de la jeunesse. Le duo en a profité pour dévoiler le jeu vidéo qui accompagnera la sortie de l’album. Rendez-vous début 2023 pour en écouter davantage.
Vendredi, retour à La Boule Noire où le septuor Eggs ouvre la soirée en fanfare lo-fi et indie rock, avec un bon goût pour les nineties et quelques faux airs chopés à Black Country, New Road. Puis, débarquent les Canadiens de Kiwi Jr., presque timides, mais peu encombrés, pour présenter Chopper, leur troisième effort paru cette année et jalonné d’excellents morceaux tels Night Vision ou The Sound of Music. Dans une atmosphère douce et ourlée, les gars s’autorisent quelques excursions dans Cooler Returns, leur disque rouge arrivé l’an dernier, et Football Money, leur coup d’envoi de 2020, avant de repartir d’un signe de main, comme si de rien n’était.
Un samedi soir qui nous laisse sur notre faim
Samedi soir, direction le Pop-Up du Label. On n’avait pas croisé le chemin des Parisiens de Pam Risourié depuis septembre 2020 et leur concert sur la terrasse du Trabendo. Désormais cinq à bord, la bande s’élance sur la pente psyché, riffs enjôleurs, démonstrations de guitare à l’appui, avant de sombrer dans une ballade fastidieuse. On fait la moue. Redémarrant en finesse sur de longues plages électriques, Pam Risourié nous rattrape à temps et laisse la place au quatuor mixte Pip Blom.
Repéré·es en première partie de Franz Ferdinand, les Néerlandais·es balancent une bonne partie de Welcome Break, leur dernier disque paru cette année et bardé de guitares échauffées. Indéniablement, tous les titres de Pip Blom contiennent de quoi nous réjouir. Mais une certaine langueur s’installe et rend le show assez commun. On s’amuse, mais on repart (un peu) bredouille.
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