Dans son space opera “Cosmic Drama”, le fantasque metteur en scène convoque un conte alliant délicatement humour et science-fiction.
Certains jours, s’envoyer en l’air pour tutoyer les étoiles reste la meilleure chose à faire… Après avoir proposé en 2019 au Theater Basel (Bâle) Cosmic Drama, pièce dédiée au genre du space opera, Philippe Quesne s’est réjoui de cette intuition deux ans plus tard, quand répéter tenait de l’échappée belle pour fuir un univers terrestre devenu ultra-sécuritaire pour cause de crise sanitaire. “J’ai créé le spectacle durant la pandémie de Covid ; je n’ai pas changé le fil narratif de la pièce mais cela a pris un autre sens de devoir travailler dans des théâtres déserts, avec des règles sanitaires si drastiques qu’elles évoquaient un accident nucléaire.”
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Chez Philippe Quesne, le désir de voler est une obsession qu’il poétise dès son premier spectacle en 2003, La Démangeaison des ailes. “Le plus souvent, dans mes pièces, on tente de décoller mais on n’y arrive pas… Je voulais imaginer le contraire pour me projeter dans l’espace et mettre en scène des astéroïdes.” Puisqu’il s’agit de réaliser un fantasme, autant ne pas ergoter sur les moyens : la scène d’ouverture filmée a été conçue à la manière du générique d’un blockbuster hollywoodien pour figurer un champ d’astéroïdes fonçant dans le vide intersidéral et représentant une menace imminente.
Bergers astronautes en mission
On retrouve le troupeau des pierres de l’espace en suspension au-dessus du plateau. Apparaissant dans l’habitacle jaune citron d’un vaisseau spatial creusé dans une grosse roche, une équipe s’inquiète du sort d’une de ces pierres qui a perdu sa capacité de voler. La petite bande de bergers astronautes a pour mission de lui redonner le goût des voyages dans l’espace. On s’amuse du clin d’œil au Yellow Submarine cher aux Beatles et de la première consigne donnée à l’équipage : “Désactiver le quatrième mur.”
Puisque l’action se déroule sur une scène de théâtre, on ne s’étonne pas de l’irruption d’une actrice improvisant en costume d’époque sur les thèmes de la poésie allemande, tandis que se multiplient les chorégraphies drolatiques et qu’une machine à emballer les sapins réussit magnifiquement à enfermer les protagonistes dans ses filets comme le ferait une araignée géante avec ses proies. Sous des cieux magnifiques figurant des amas de constellations se perdant dans l’infini, le sauvetage de la pierre orpheline qui préfère le destin de météorite à celui d’astéroïde est un conte farfelu, une leçon d’empathie aussi réjouissante qu’irrésistible.
Trois fois Philippe Quesne au Festival d’Automne
Après avoir refusé avec fracas de poursuivre son aventure à la direction du Théâtre Nanterre-Amandiers, Philippe Quesne fait coïncider ce détour par les étoiles avec un retour en force sous les feux de la rampe. Récemment nommé à la direction artistique de la Ménagerie de Verre, à Paris, après le décès de sa directrice fondatrice, il succède à Marie-Thérèse Allier pour prendre les rênes d’une institution qui, entre les murs d’un parking transformé en salle de spectacle, a donné sa première chance à la crème des représentant·es de la création contemporaine.
Le travail de Philippe Quesne se retrouve par ailleurs gratifié par le Festival d’Automne à Paris d’un miniportrait se déclinant en trois spectacles. Outre Cosmic Drama, on peut découvrir Fantasmagoria, une installation habitée par des pianos mécaniques, des spectres et autres ectoplasmes, ou encore sa mise en scène du Chant de la terre de Gustav Mahler dans une scénographie inspirée par la peinture romantique allemande sous la direction musicale d’Emilio Pomàrico. Avec Philippe Quesne, tout est affaire de sensibilité et de pudeur… La subtile légèreté de la fable de cette pierre tombée presque par hasard sur une scène de théâtre peut se lire comme la métaphore du parcours de cet artiste singulier qui n’a pas fini de faire des vagues.
Cosmic Drama, conception, mise en scène et scénographie Philippe Quesne, en allemand, anglais et français surtitré en français, du 20 au 22 octobre, MC93, Bobigny.
Fantasmagoria, conception, mise en scène et scénographie Philippe Quesne, du 3 au 6 novembre, Centre Pompidou, Paris.
Le Chant de la terre (Das Lied von der Erde) de Gustav Mahler, direction musicale Emilio Pomàrico, mise en scène et scénographie Philippe Quesne, les 9 et 10 novembre, Théâtre du Châtelet, Paris.
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