Dans l’édito de cette semaine, Nelly Kaprièlian revient sur l’exposition du cercueil de la Reine, et les premières sélections des grands prix.
Depuis une semaine, le cadavre de la Reine a été on tour. Enfin, je veux dire son cercueil. Obscènement visible dans sa propre papamobile, exhibée à l’adoration des foules qui se sont amassées en Écosse ou en Angleterre, devant Buckingham Palace avant-hier soir, campant le long de la Tamise hier pour ne pas rater le déplacement de sa dépouille, du Palais à Westminster, où elle sera exposée plusieurs jours jusqu’à ses funérailles, lundi 19 septembre. Sur le million de personnes qui feront la queue pour se recueillir devant sa dépouille, seulement 400 000 pourront effectivement le faire.
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Bizarrement, je pense à la littérature quand je vois ces images. J’y pense avec pessimisme. Va-t-elle devenir un fétiche ? Une relique sacrée, sans plus de véritable existence ? Vidée de toute substance par la menace Bolloré, les conglomérats de l’édition qui la transforment en objet de consommation comme un autre, malmenée par certains grands prix dont les premières sélections déçoivent… Celle du prix Goncourt, par exemple. Virginie Despentes en est curieusement absente, comme elle l’est de la première liste du prix Femina, son nom n’étant pas apparu dans les conversations des juré·es (selon un de leurs proches), alors que les noms de journalistes et écrivain·es médiocres leur sont, étrangement, apparus. Mais revenons à la Reine, que tout le monde soudain vénère puisque morte, alors qu’elle n’aimait que les chiens et les chevaux. Alan Bennett s’amusait à la mettre en scène en amoureuse de la littérature dans sa
Reine des lectrices : suivant d’abord l’exemple d’un des jeunes employé·es du Palais, empruntant des livres à la bibliothèque ambulante, elle délaissait toutes ses responsabilités pour se réfugier dans les livres. Devenant de plus en plus vivante à mesure qu’elle lisait. Et nous avons aimé y croire un instant même si, en termes de mots, elle ne les aimait que croisés. La magie de la littérature…
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