Réalisé par Diego Ongaro, réalisateur français expatrié aux États-Unis, “Down With the King” est sorti ce 12 septembre en VOD. L’occasion de (re)découvrir ce très beau film, qui nous plonge au cœur de la Nouvelle-Angleterre.
De son premier à son dernier plan, Down With the King regarde un homme tomber au ralenti. Se faisant appeler Money Merc, cet homme est un célèbre rappeur qui traverse une crise d’inspiration et décide de s’isoler dans une maison du Massachusetts pour y écrire son prochain album. Là, croit-il, le désir reviendra. Mais pas forcément à l’endroit qu’il attend…
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Découvert à la sélection ACID du festival de Cannes 2021, Down With the King sort en VOD. C’est un choix regrettable de la part du distributeur, Sony, qui en a acheté les droits monde et n’a pas le savoir-faire d’une plus petite enseigne pour sortir un tel joyau en salle, où son énigmatique beauté scintillerait assurément plus. Le film est toutefois disponible, c’est l’essentiel.
Dans un coin de campagne de la Nouvelle-Angleterre
Authentique rappeur qui joue là son premier rôle au cinéma, auteur de quelques-uns des meilleurs albums de hip-hop de la décennie passée (notamment Piñata en 2014 et Alfredo en 2020), Freddie Gibbs est de pratiquement tous les plans. Il donne à son personnage tout le charisme et toute la mélancolie nécessaires à la réussite d’une telle étude de caractère. La caméra de Diego Ongaro le saisit patiemment, sous toutes ses facettes, avec une infinie tendresse, mais sans chercher à l’héroïser. Merc demeure une boule d’opacité qui ne se livre que par bribes, pas toujours les plus sympathiques, dans de longues scènes de composition musicale, d’introspection ou de conflictualité — toutes superbement photographiées par Daniel Vecchione.
Français expatrié aux États-Unis depuis de nombreuses années, Diego Ongaro vit et travaille dans ce coin de campagne de la Nouvelle-Angleterre qui sert de décor à Down With the King. Mais aussi à celui de son précédent (et premier) long métrage, l’inédit Bob and the Trees. Y apparaissait un agriculteur du cru (Bob Tarasuk), qui rejoue ici un rôle, petit mais essentiel, d’ami contrarié. Le réalisateur agrège ainsi peu à peu à sa communauté d’autres personnages, comme autant de coups de pinceau affinant son portrait de l’artiste au travail : la mère du rappeur, son manager (l’excellent David Krumholtz) et surtout une petite amie locale, jouée par la révélation Jamie Neumann – aperçue jadis dans la série The Deuce -, avec qui Merc se prend à rêver d’une vie bucolique et simple. On craint avec elle le faux pas, l’arc narratif un peu tarte à la crème permettant de faire la leçon, mais Ongaro s’en sort là encore admirablement bien. Il a ce talent de faire feu de tout bois, cinéma de toute rencontre.
À la frontière entre fiction et documentaire
Le cinéaste déploie ainsi sa fiction du réel, aux frontières du documentaire, dans un geste qui rappelle celui de Matt Porterfield (Putty Hill, Sollers Point). Et s’il ne s’interdit pas d’exploiter par moments le potentiel comique de son expérience chimique (tremper un rappeur noir dans l’environnement le plus blanc qui soit), il ne s’y limite pas, accompagnant les doutes existentiels de son personnage par petites touches, sans rien brusquer, avec patience et intelligence.
Pour ne rien gâcher, la bande originale, composée en partie par Freddie Gibbs, est sertie d’inédits hautement appréciables. Longue vie au roi.
Down With the King, de Diego Ongaro, avec Freddie Gibbs, Jamie Neumann et David Krumholz, 1h40, E.U., 2021.
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