Avec “La Dernière Reine”, le créateur du “Transperceneige” réunit de manière puissante les thèmes qui lui tiennent le plus à cœur.
“Tant que dans la montagne régneront les ours, le soleil se lèvera le matin. Mais, au soir où mourra la dernière reine… alors ce sera le début du temps des ténèbres.” Sujet de cette croyance qui traverse ce roman graphique âpre et ensorcelant, l’ours symbolise ici la nature que nous devons respecter sous peine de nous condamner nous-mêmes. Déjà dans son précédent livre, Le Loup (2019), Jean-Marc Rochette montrait le compromis auquel un berger et un fauve se livraient pour coexister.
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Depuis l’autobiographique Ailefroide – Altitude 3954, écrit avec Olivier Bocquet et paru il y a quatre ans, le dessinateur a trouvé dans cette montagne qu’il a toujours fréquentée un espace de liberté, une source romanesque pour imaginer des westerns glaciaux et proposer une réflexion écologique qui balance entre lumière et noirceur (l’écoterrorisme de Transperceneige – Extinctions, écrit avec Matz).
Avec la facilité du grand peintre
Certaines séquences de La Dernière Reine nous baladent dans le temps (préhistoire, Antiquité, Moyen Âge) avec, comme points communs, un même espace, le massif du Vercors, et la présence d’ours, cet animal qui suscite l’hostilité des humains. Sauf chez Édouard Roux, personnage qui, durant son enfance, voit sa mère être accusée de manière absurde de coucher avec les animaux sauvages.
Adulte, revenu défiguré de la Première Guerre mondiale, Roux cache son visage derrière un sac, tel Elephant Man, jusqu’à ce qu’il rencontre la sculptrice Jeanne Sauvage, qui donne à sa gueule cassée la beauté d’une statue grecque. Le voilà qui fraie avec le milieu artistique parisien et tombe amoureux de sa bienfaitrice.
Un puissant récit original, à la fois histoire d’amour, drame saisissant et plaidoyer pour un retour à la nature
À partir de plusieurs figures et obsessions déjà présentes dans son œuvre – la peinture Le Bœuf écorché de Soutine déjà vue dans Ailefroide, le refus de l’autorité, l’art trahi par les marchands –, Rochette malaxe un puissant récit original, à la fois histoire d’amour, drame saisissant et plaidoyer pour un retour à la nature. Avec la facilité du grand peintre qu’il est devenu, il insuffle beaucoup de vie et de sauvagerie à ses paysages et visions, qui hantent la rétine une fois le livre refermé.
La Dernière Reine de Jean-Marc Rochette (Casterman), 240 p., 30 €. En librairie le 5 octobre.
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