L’Assemblée nationale examine en ce moment même la proposition de loi visant à faciliter le travail du dimanche, qui devrait être votée le 15 juillet.
Le feuilleton du dimanche touche à sa fin. Pendant cinquante heures cette semaine, les députés vont discuter la proposition de loi Mallié « réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe », selon son intitulé indigeste. L’examen du texte avait été interrompu en décembre 2008 devant la contestation au sein même de la majorité. Marc Le Fur, député UMP des Côtes d’Armor, conduisait cette fronde. En novembre 2008, dans un appel signé par 55 députés de droite et du centre, il reprochait au projet de mettre au centre « l’individu-consommateur » et de menacer les familles.
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Marc Le Fur est aujourd’hui cosignataire de la proposition de loi remaniée. « On en est à la quatrième mouture. Je n’ai jamais vu un texte évoluer dans cette proportion », explique-t-il aujourd’hui pour justifier son retournement de veste. Le député se dit rassuré, mais vigilant. « La proposition permet de sortir de l’hypocrisie. J’attends toutefois que le gouvernement nous assure que les règles d’attribution des zones touristiques ne changent pas. C’est logique de créer de nouvelles zones, mais dans des proportions raisonnables, comme aujourd’hui. »
Au cœur de la confusion ambiante, ces zones touristiques, déjà en place, dans lesquelles les commerces ouvrent de droit et les salariés ne bénéficient pas de mesures de compensation. Une multiplication de ces zones entraînerait une banalisation du travail le dimanche. La loi créerait parallèlement des Périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) à Paris, Marseille et Lille. Dans les PUCE, les salariés – volontaires – doivent bénéficier d’un doublement du salaire.
François De Rugy, député Vert membre du collectif Sauvons le dimanche, craint à terme une généralisation des exceptions. « Cette loi va ouvrir de nouvelles brèches », estime-t-il. « Si Nantes par exemple est déclarée zone touristique et ouvre ses commerces le dimanche, les communes d’à côté vont réclamer et de fil en aiguille les garde-fou vont sauter. » Pour lui, la règle devrait être « l’interdiction totale » et les exceptions limitées aux cinq dimanches travaillés autorisés jusque là.
L’avocat Vincent Lecourt mène un combat de longue date contre le travail du dimanche. Depuis fin 2006, il défend le syndicat FO dans le Val d’Oise quand il attaque les ouvertures illégales des grands magasins. Et a remporté plusieurs victoires judiciaires contre des enseignes condamnées à payer des astreintes « démentielles ».
Selon Maître Lecourt, membre du Collectif des amis du dimanche la jurisprudence Ekima (du nom d’une société placée à la limite d’une zone de dérogation) pourrait favoriser la croissance démesurée des zones où le travail dominical serait autorisé. « Si une enseigne est située à 5 km d’une PUCE, elle peut réclamer l’extension de la dérogation. Quel que soit le nombre de communes concernées, 500 selon l’UMP ou 6000 comme le disent les socialistes, le problème est le même ». L’avocat s’oppose à l’argument de « légalisation des situations existantes ». « Les gens qui se droguent peuvent dire : « ça fait dix ans que je prends de la cocaïne ». Faut-il légaliser ? »
Outre le contenu de la proposition, Maître Lecourt critique la procédure. Opter pour une proposition de loi (émanant d’un député) permet de contourner l’avis du Conseil d’Etat et la consultation des partenaires sociaux, obligatoires pour un projet de loi (émanant du gouvernement). « Il y a eu tellement d’échanges autour de cette proposition que les partenaires sociaux ont donné leur avis » se défend Marc Le Fur. « C’est une bataille symbolique et idéologique que mène le gouvernement », proteste François de Rugy, avant de conclure : « Cette réforme encourage tous ceux qui ne respectaient pas la loi depuis des années. »
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