Empire mythologique, IA au fil du temps, voiture organique, planète de femmes, nouvelles éminentes, ballet spatial, petit panorama des sorties du mois d’avril.
Empire mythologique, IA au fil du temps, voiture organique, planète de femmes, nouvelles éminentes, ballet spatial, petit panorama des sorties du mois d’avril.
Kalpa Impérial, de Angélica Gorodischer
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« Sauf que lui parfois devait opter pour le mal, parce que la naissance d’un empire c’est quelque chose qui surpasse les pensées, les sentiments et les actions d’un seul homme. » L’exigeante maison La Volte publie pour la plus grande joie des amateurs ce Kalpa Impérial dont la rumeur bruissait depuis une traduction anglaise opérée par Ursula Le Guin au début des années 2000. Son auteur, l’Argentine Angélica Gorodischer, véritable sommité dans son pays au même titre que Jorge Luis Borges, y est louée et récompensée depuis de nombreuses années sans qu’aucun écho n’atteigne pourtant jamais nos contrées.
Kalpa Impérial c’est l’histoire, énoncée au travers de différentes chroniques, d’un empire qui n’a jamais existé, de la quête d’un pouvoir qui ne sème que le trouble et la désolation. Un empire qui renaît toujours de ses cendres, témoin des hommes et femmes qui se succèdent sur le trône, de la transmission des mythes et légendes. Différents récits donc, sans aucun liens concrets, rapportés par ce « conteur de contes », cette figure malicieuse et rassurante du passeur d’histoires, qui s’adresse ici directement au lecteur pour lui relater le façonnement d’un monde aux contours certes médiévaux, mais qui ressemble indubitablement au nôtre. Un précis de nature humaine qui emprunte aux codes de la fantasy sans jamais véritablement verser dans l’imaginaire pur et dur.
Un livre-monde, composé de miniatures abondantes, résumant parfaitement la complexité, l’absurdité de notre civilisation, d’une résonance forte en ces temps d’introspection profonde. De l’influence des petits destins sur les grands (le formidable L’Etang). Kalpa Impérial, c’est une allégorie redoutable sur le fonctionnement d’une société, ses rouages, mouvements, l’information, la justice, la censure (Gorodischer a écrit le livre en 1983 au sortir de la dictature), l’autorité, l’écologie, bref d’une opulente richesse pour qui sait lire entre les lignes.
Dans La Fin d’une dynastie ou l’histoire naturelle des furets, le jeune prince Livna’lams va dans le plus grand secret à la rencontre de deux aventuriers, philosophes à leurs heures perdues ; ils vont devenir ses précepteurs de substitution et ainsi l’éclairer sur la nature véritable de sa famille ou de la vie. Une initiative qui ne changera malgré tout pas grand-chose dans son développement personnel. Car dans ces pages les puissants ne sont ni raisonnables, ni sanguinaires, ni bons, ni mauvais, certainement un peu tout cela à la fois. Ils doivent composer avec un pouvoir bien trop convoité, lourd fardeau pour leurs frêles épaules. Ce pouvoir qui perd ses détenteurs, même dans leur volonté de créer un monde plus juste, prisonniers de leurs éternels paradoxes.
Inéluctablement, les événements se répètent, la folie des hommes, dans ses éclats comme dans ses faiblesses. Au sujet des villes qui poussent à la diable décrit en accéléré la fascinante existence Calvino-esque d’une capitale, son âme, ses fondations, ses destins individuels. Ce sur quoi se construisent les peuples et les valeurs. D’une portée politique certaine, le livre n’en reste pas moins une délicieuse fable, incontestablement universelle. Passionnante pour ne pas dire par moments éblouissante.
(La Volte, 256 pages, traduction par Mathias de Breyne)
Poumon vert,
de Ian R. MacLeod
Écrivain britannique peu traduit en France où il est surtout connu pour ses uchronies flamboyantes (plus quelques nouvelles disséminées ici et là), Ian R. MacLeod voit son roman court Breathmoss (en VO), lauréat du prix des lecteurs 2003 de la revue Asimov’s, intégrer la collection Une Heure Lumière du Bélial. Collection dont on pourrait par ailleurs s’amuser à tenter de théoriser le code couleur, ce vert dont avait déjà été attribué l’impeccable Le Choix de Paul J. McAuley (message aux professionnels de la profession : on veut tout ce qui se rattache à l’univers Jackaroo) et qui laisserait presque à penser que rien n’est laissé au hasard : il est ici de nouveau question de roman d’apprentissage au cœur d’un milieu naturel et mystérieux.
Alors que la quatrième de couverture semblait indiquer que l’auteur allait prendre la suite des Pamela Sargent et autres Elizabeth Vonarburg, c’est surtout du côté d’Ursula Le Guin (une fois n’est pas coutume !) que l’on peut établir des connexions. Cette petite perle de science-fantasy mélancolique se déroule en effet sur la planète Habara, la jeune Jalila quittant ses montagnes natales de Tabuthal pour venir s’installer en bord de mer. Sa famille (ses 3 mères, oui oui) espère améliorer son existence, l’adolescente va, elle, y découvrir la vie. Son premier geste sur place est de cracher ce fameux poumon qui lui permettait de respirer sur les hauteurs, incident curieusement sans influence aucune.
La ville portuaire d’Al Janb apparaît comme une communauté à la technologie discrète, mais à l’environnement biologique et culturel fastueux, nombres d’éléments et de termes évoquant à juste titre les galbes sensuels du Moyen-Orient, de quoi plaisamment plonger le lecteur dans une atmosphère des plus féerique. Une société résolument matriarcale, avec tout ce que cela comporte en termes de mythologie SF sur la conception, les mœurs, jusque dans la féminisation des conjugaisons (Joëlle Wintrebert pratiquait déjà cela dans son roman Pollen).
Jalila fait cependant la connaissance d’un être tout ce qu’il y a de plus étonnant : un homme. Curiosité qu’elle considère pour la première fois (« Cette laideur et cette inutilité… Était-il né par accident ? S’agissait-il d’une malédiction ? »), mais dont l’amitié grandissante va lui ouvrir de nouveaux horizons de pensée. Sa route croise également celle de Nayra, fille de bonne famille avec qui elle connaît son premier chagrin d’amour, ainsi que d’une « Tariqa », vieille sage solitaire qui pilote aussi des vaisseaux. Ce spatioport visible depuis la mer envoie régulièrement des fusées à destination de l’espace (des portails permettent le voyage instantané), un symbole de liberté pour Jalila, elle qui refuse les dogmes étroits de cette existence aux normes sociales et familiales trop réductrices.
C’est le récit d’une adolescence en construction, de ses rites de passage, de ses sacrifices, elle qui cherche à trouver sa place dans un monde qu’elle découvre finalement sans doute trop vite. Pas de grande révélation, pas de coup d’éclat, mais une solide et touchante histoire humaine (à la fin très réussie), de l’évasion comme seul ce genre de littérature peut en offrir. Il existe encore des dizaines de nouvelles non traduites de cet auteur, si elles sont toutes de ce niveau, il va sérieusement falloir songer à interpeller les grandes instances.
(Le Bélial, 144 pages, traduction par Michelle Charrier)
Rêves de machines,
de Louisa Hall
Roman passé quasiment inaperçu, Rêves de machines mérite pourtant que l’on s’y attarde un peu : publié en collection de littérature générale, son approche de l’intelligence artificielle fait un pas de côté, avec l’ambition légitime de satisfaire les habitués du genre comme les lecteurs les plus rétifs à la SF.
Louisa Hall ne se sert en effet ici du spéculatif que pour tenter de définir ce en quoi nous sommes des êtres humains, ceci au travers de différentes trajectoires, décennies et continents, tous reliés d’un fil rouge et d’une mémoire commune (on est en cela pas très loin sur le papier de l’architecture d’un livre comme La Cartographie des nuages de David Mitchell).
1663, Mary Bradford décide de fuir en famille une Angleterre promise à la violence pour les terres de liberté du Massachusetts. Hors ses parents envisagent de la marier avec un homme pour qui elle n’éprouve ni désir ni attirance. 1928, Alan Turing (le fameux) tente de décrypter la construction et le développement du cerveau (tout en suite de Fibonacci et autre schémas numériques réguliers), lui qui pour la première fois évoque l’idée de conscience pour une machine. 1968, Karl Dettman a mis au point le système de discussion MARY, et c’est sa femme qui se prend de passion pour cette invention, s’y consacrant jour et nuit, l’implorant d’y rajouter de la mémoire. 2040, Stephen Chinn est en prison pour avoir inventé la fonction de langage ultime chez les robots, avoir ainsi bouleversé les relations qu’entretiennent les adolescents avec le reste du monde et transformé leur perception des rapports humains. 2035, le procès relate les discussions entre Gaby, une des jeunes filles mises en quarantaine pour tenter de se sauver de ce mal insidieux et cette troisième et dernière version de MARY, et l’on se demande laquelle des deux est finalement la plus humaine.
A travers cette mosaïque de personnages et leurs parcours, Louisa Hall s’applique à romancer une histoire de l’IA depuis la source, et peu ont su saisir comme cela l’essence didactique et spirituelle des grandes étapes de la discipline, l’ADN intrinsèque de l’idée même avant que celle-ci soit identifiable. Approfondir le sujet, c’est en apprendre toujours plus sur soi : les hommes et femmes de ce livre souffrent du manque, de la perte, de la solitude, tous sont des êtres en fuite. Turing correspond avec la mère de feu son collègue et premier amour, Karl Dettman perd progressivement sa femme, tente de la dissuader d’abandonner avec toutes les implications éthiques et philosophiques que cela comporte. « Quand je dis que je t’aime, je le pense ». Désespéré, il lui écrit de longues lettres amères, relatant les débuts de ses travaux jusqu’à la naissance de leur amour.
La création de Stephen Chinn apparaît elle comme la goutte de trop, mais le progrès ne passe-t-il pas par la transgression des règles et des acquis : petit déjà, il avait ce sens de la justice, cette technologie rassurante lui permettrait de se venger de la bêtise humaine, le travail lui servirait de refuge. Est-il directement responsable ou a-t-il juste été la personne en bout de chaîne qui « presse le bouton » ?
L’homme se veut l’égal de Dieu pour finalement se rendre compte qu’il en perd son humanité. Au lecteur de ressentir l’aspect bouleversant à voir ces robots mourir et le décrire, de saisir toute la dimension tragique d’augustes dernières lignes lourdes de sous-entendus.
En résumé, un livre puzzle accessible et subtil, où la SF est une discrète tapisserie, mais où le vertige propre au genre n’en est pas forcément moins absent. Ce qui permettra aux lecteurs peu rompus à l’exercice d’en saisir tout l’attrait et l’intérêt.
(Gallimard, 384 pages, traduction par Hélène Papot)
Suréquipée,
de Grégory Courtois
« Ce n’est pas de la romance ou de la magie, c’est de la génétique. Cette voiture n’a aucun secret pour nous, c’est un fait scientifique. » Edition poche pour ce court roman français originellement paru au Québec, Suréquipée, via une fable qui emprunte autant à Stephen King qu’à David Cronenberg, extrapole sur la place culturelle de l’automobile, la fascination qu’elle exerce sur les hommes, objet de passion ardente quand il n’est pas symbole de réussite quasi phallique.
La Blackjag est une voiture organique crée en laboratoire de recherche, un parfait assemblage hormonal et chimique agrémenté de quelques poils. L’histoire débute lorsque son propriétaire (le premier du nom puisque c’est un prototype) disparaît. Les huissiers et scientifiques cherchent à récupérer les données enregistrées dans sa mémoire pour essayer d’élucider le mystère.
Cette voiture ayant été crée dans le but de sublimer l’obsession de son maître, elle peut entendre, voir et sentir, l’aspect fusionnel étant fondamentalement évoqué, les constructeurs ayant marqué leur volonté de différence sur le plan affectif ou les sensations physiques (si ça vous évoque un truc, je vous laisse deviner le prénom de la femme du personnage principal). Elle boit de l’eau, son réservoir est un système digestif à barres énergétiques et affiche des réactions comportementales animales : elle ronronne quand on la caresse, peut rugir comme une lionne, tout en stimulus et réactions (inutile de penser Pixar). Mais au-delà des impulsions électriques, est-elle douée de conscience ?
C’est la question que l’on est droit de se poser dès les premières pages puisque son point de vue soutient n’importe quelle comparaison en terme de compréhension et de langage que le vôtre ou le mien – à quelques interprétations de signes près. C’est un parti pris de l’auteur qui désarçonne pas mal car sous-entend toute la perfection cérébrale hominidienne de cette « entité », alors qu’elle est sensée être un enjeu. A titre d’exemple, la force d’un roman comme Des fleurs pour Algernon était justement d’adopter le point du vue psycho-moteur et psychologique de son personnage, le lecteur se sentait devenir intelligent en même temps que lui, adoptait la perception de son environnement. Même si c’est le dessein de ses inventeurs, l’intention est ici beaucoup plus floue.
Reste un fascinant manuel d’ingénierie biologique, la création d’une créature de Frankenstein des temps modernes, le livre trouvant sa résolution dans une intense scène charnelle, oscillant en parfait équilibre entre le weird et le grotesque. L’occasion au passage de bien éreinter l’image du mâle alpha qui privilégiera toujours sa bagnole à sa propre épouse – la jalousie de cette dernière marquant finalement la victoire d’un « être » qui se voit en semblable. Notez que nous nous serons interdit de prononcer le mot « machine » pour parler de ce livre somme toute sympathique.
(Folio SF, 176 pages)
Quand les futurs d’hier rencontrent notre présent, Coffret (ouvragecollectif)
Depuis quelques années désormais, Le Passager clandestin (qui fête tout juste ses 10 ans) publie dans sa collection Dyschroniques des nouvelles et romans courts qui ont marqué l’histoire de la SF de par leur teneur visionnaire et spéculative, preuve s’il en est que certains auteurs ont su dès les années 50 penser le monde qui s’écrit sous nos yeux sous couvert d’imagination débridée. Ce présent coffret regroupe 7 de leurs textes phares :
La Vague montante (1955), de Marion Zimmer Bradley voit un vaisseau spatial revenir sur sa terre d’origine plusieurs siècles après son départ (relativité oblige) et découvrir une civilisation radicalement différente ayant décidé de limiter l’usage d’une science parfaitement aboutie aux cas de première nécessité. Des habitants qui prennent l’équipage pour des barbares, les récits anciens les décrivant comme des gens qui ne respectaient rien ayant poussé la planète au bout de ses limites (que penserait l’auteur de l’anthropocène ?). Comment imaginer une société qui fonctionne, abandonne le nucléaire, revient à l’artisanat tout en utilisant des technologies de pointe ? Une histoire plus moderne que jamais, s’achevant de manière ouverte et subtile.
Le Pense-Bête (1962) de Fritz Leiber évoque à la fois les problématiques de l’intelligence d’artificielle (la prophétie de la Singularité), ainsi que de l’aliénation technologique actuelle, puisque qu’il n’anticipe pas moins que le concept de smartphone. Gussy, inventeur accompli, vit en famille sous-terre suite à l’apocalypse. Lorsqu’il soumet un jour à sa femme l’idée du « mémorisateur », l’ancêtre de l’assistant virtuel, celle-ci se décide à le construire dans son coin. Bien sûr les événements vont devenir incontrôlable. Assez désuet, mais intéressant dans son témoignage.
Dans Continent perdu (1970), Norman Spinrad imagine au XXIIIe siècle des rôles inversés entre l’Afrique et les USA, ces derniers n’étant plus qu’un pays sur-pollué (filtre nasal et lunettes de protection sont de rigueur), délabré, uniquement digne d’intérêt pour des touristes fortunés venant d’encanailler devant tous ces paysages et bâtiments mythiques. Un texte mordant sur le retour de bâton, certainement sarcastique pour son époque, un peu gros sabots malgré tout.
La Main tendue (1950) de Poul Anderson apparaît comme le texte le plus exotique face à ses compagnons, puisqu’il oppose deux civilisations extra-terrestres, les Skontarriens et Cundaloaiens dans une parabole à peine camouflée sur le colonialisme : les Terriens, pour venir en aide à ces peuples, leur demandent en contrepartie d’abandonner leur culture pour se soumettre à la leur.
La Montagne sans nom (1955) de Robert voit une colonie tenter de dompter une planète et ses ressources naturelles, cherchant à recréer ce qui pourrait ressembler à une copie de la terre en vue d’élargir sa liste de mondes potentiellement habitables. Mais cela ne se passe pas comme prévu, rappel qu’il faut savoir respecter son environnement sous peine de se heurter à de graves désagréments.
Dans Audience captive (1953) d’Ann Warren Griffith, le monde est aux mains des publicitaires, un cauchemar qui se manifeste sous la forme de boîtes de céréales ou de cigarettes parlantes, tous les objets du quotidien ayant un disque intérieur leur permettant d’apostropher leurs victimes. Drôle et pertinente, une nouvelle à chute qui étrille le consumérisme américain d’après-guerre, dont le fond tyrannique est plus que jamais d’actualité.
Le Mercenaire (1962) de Mack Reynolds, est certainement le texte le plus politique, le plus engagé aussi, puisqu’il décrit une société futuriste (à l’époque !) conduite par les multinationales en lieu et place des gouvernements, tout conflit se réglant à l’aide d’armes des siècles passés. Mais Joseph Mauser est un militaire plus ambitieux que la moyenne… Ou comment penser la fin du capitalisme d’une manière réjouissante.
Variations sur un même thème : arrogance, fuite en avant, décadence, les auteurs de ces vignettes n’ont eu qu’à s’asseoir et observer le monde autour d’eux pour en écrire le futur : qui a dit que nous étions des êtres prévisibles ? Voilà un coffret qui par essence fait office de cadeau idéal pour les 17 à 77 ans.
(Le Passager clandestin, 708 pages)
La Danse des étoiles,
de Spider & Jeanne Robinson
Réédition poche pour ce livre trop méconnu, lauréat des prix Hugo, Nebula et Locus en 1977 et 1978 (autrement dit le grand chelem pour tout écrivain de science-fiction), La Danse des étoiles se démarque de la majorité des romans du genre par son originalité thématique et son message profondément humaniste.
Et si Spider Robinson fait ici appel à sa femme pour une écriture à quatre mains, ce n’est certainement pas par hasard : elle même chorégraphe, elle était un parfait atout pour embellir cette histoire de ballet spatial et asseoir cet improbable mélange des genres.
Shara Drummond est une danseuse de talent, mais au physique trop marqué pour pouvoir prétendre à véritablement percer dans la profession. En toute simplicité, elle décide donc d’aller pratiquer son art dans l’espace, là où la gravité inexistante la libérerait de toute contrainte. Charles Armstead est lui l’homme qui va la filmer. Ancien danseur, il est aujourd’hui invalide, ses rêves ont été anéantis, mais il s’apprête à vivre une aventure autrement plus enrichissante. Ne vous arrêtez pas à ce pitch légèrement repoussoir, car lorsque des vaisseaux extra-terrestres font leur apparition aux portes du système solaire, c’est Shara qui se retrouve aux premières loges et sauve la terre de ces ensemenceurs grâce à ce mode de langage inédit. Revenez on vous a dit !
Sans vouloir trop dévoiler le contenu du livre, disons que c’est ici la première des trois parties d’une histoire pour le moins singulière, un véritable voyage dans les étoiles que Charles va mener jusqu’aux confins de la galaxie. Un roman qui invite au recul, à l’humilité, comme une manière de redécouvrir qui nous sommes vraiment, dans un feu d’artifice de couleurs et de mouvements, des images aux évocations fascinantes.
« Ca peut venir comme ça, vous savez. Des éclairs de connaissance. Au milieu d’une phrase, en une microseconde, vous faites un saut quantique dans la compréhension des choses. Vous considérez vingt ans d’aveugle stupidité sans ciller, et vous percevez le futur immédiat en détail. Plus tard vous vous émerveillez – sur l’instant vous acceptez simplement et hochez la tête. »
Cette Danse des étoiles, derrière son spectacle de l’infini et ses condiments scientifiques n’en oublie à aucun moment la dimension psychologique des personnages, leurs émotions, leurs sacrifices, tout cela s’imbriquant parfaitement jusqu’à la dernière ligne. A noter que deux suites jamais traduites existent, mais cette histoire se suffit pleinement à elle seule. Un roman assez atypique donc, mais qui s’assume comme une odyssée pleine de grâce pour peu que l’on se donne la peine d’ouvrir son esprit à une certaine poésie stellaire. Sans oublier qu’un auteur qui cite Frank Zappa ne peut que susciter l’adhésion.
(Hélios, 376 pages, traduction par Melissa Manchette)
En Bref
Auteur de Je suis une légende, L’homme qui rétrécit, scénariste de Duel ou de certains épisodes de The Twilight Zone, Richard Matheson est à l’honneur dans le numéro 86 de la revue Bifrost, disponible à cette heure-ci dans toute bonne librairie digne de ce nom (et via internet pour ceux qui l’ont). Au menu : exégèses, interviews, recensement exhaustif de son oeuvre, texte culte (ainsi qu’une nouvelle inédite de Laurent Genefort), plus – comme il est d’usage – les divers articles et chroniques : choisis ton camp, camarade.
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