Lancée il y a trois ans pour surfer sur le succès du show apocalyptique « The Walking Dead », « Fear de Walking Dead » vit dans l’ombre de son illustre série-mère, parasitée par des errements scénaristiques. Libérée du carcan des comics, elle se révèle pourtant plus libre, inattendue et contemporaine que son modèle. Sa troisième saison constitue l’occasion parfaite pour la ré-évaluer. (Spoilers)
Cet article contient des révélations sur la série Fear the Walking Dead, en particulier ses derniers épisodes.
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The Walking Dead, mastodonte télévisuel des années 2010 bâti sur les fondations du sous-genre cinématographique le plus en vogue du moment (le film de zombies), s’ouvrait par le réveil de son héros Rick dans un monde dévasté. Son spin off, plutôt que de se concentrer, comme c’est l’usage, sur un personnage ou une intrigue secondaire, a lancé ses ramifications à rebours pour les faire remonter jusqu’au point de bascule de son univers, le fameux « patient zéro » de toute épidémie. Le monde vierge dans lequel tout est à (re)construire de son aînée y est troqué contre une société en plein naufrage, les liens familiaux y remplacent la communauté de fortune, et la question de la coopération y éclipse le survivalisme parfois pesant de son modèle.
Malgré une chute spectaculaire des audiences et des critiques mitigées, dues en grande partie à ses errements scénaristiques et à sa difficulté à se doter d’une identité forte, la petite soeur mal-aimée du grand show zombiesque poursuit son chemin sanglant et revient pour une troisième saison ambitieuse, entre la côte Ouest des Etats-Unis et le Mexique. A l’heure où son modèle a du plomb dans l’aile, les personnages et l’intrigue de Fear the Walking Dead, libérés de l’emprise des comics, méritent une seconde chance.
Une liberté scénaristique réjouissante
Malgré les protestations de certains fans pointilleux, The Walking Dead se pose comme une adaptation relativement fidèle de la série de comics scénarisés par Robert Kirkman, co-producteur de ses deux avatars télévisuels. Hormis quelques intrigues secondaires et personnages modulés, on y retrouve les grands arcs narratifs et lieux emblématiques de l’histoire originale, qui garde un temps d’avance sur le show AMC. Malgré les apparences, les véritables surprises y sont donc rares, et les incontournables spoilers facilement éventés : le sanglant premier épisode de la septième saison, véritable déflagration lors de sa diffusion, reprenait pas exemple quasiment plan par plan la mort du personnage de Glenn sous les coups de la batte de baseball du vilain Negan. Forte de ses douze million de téléspectateurs (en moyenne), la série avance en pilotage automatique, et alimente l’intérêt de ses fans par des effets d’annonce aux airs de bulle scénaristique souvent déceptive.
https://youtu.be/O2_K9lYF8vk
Fear the Walking Dead, de son côté, cherche depuis trois ans et non sans difficulté sa voix propre, en propulsant une famille recomposée et dysfonctionnelle d’un refuge à un autre dans une société qui se délite. Si l’on n’y retrouve pas la dimension politique de son modèle (comment recréer une organisation sociale dans un monde où les morts croquent les vivant ?), la série opère une véritable radiographie fictionnelle d’un monde rongé par la hantise du pourrissement interne, en jouant sur la redistribution des besoins et des instincts humains et sur la force des liens qui les unissent.
Une profondeur des personnages bienvenue
Après des années d’errance dans un monde cruel et hostile, les personnages de The Walking Dead ont presque tous fini, chacun à leur manière, par adhérer aux règles de leur réalité nouvelle : logique clanique, survie à tout prix, loi du plus fort. Dans Fear, la transition des mentalités est à peine entamée et les repères moraux, bien que battus en brèche, brillent encore de quelques maigres feux. Les héros et leurs adversaires sont par conséquence plus ambigus, en équilibre sur un fil tendu entre deux mondes, quasiment bipolaires. Madison, mère de famille débordée, se débat pour en maintenir ensemble les morceaux face à la tempête ; Alicia, sa fille, conjugue passage à l’âge adulte et perte totale de l’innocence ; Strand, leur insaisissable compagnon d’infortune, laisse des touches de bonté perforer sa carapace d’esbroufe et d’opportunisme ; et Travis, père endeuillé, se dévoile comme un pur personnage sacrificiel.
https://www.youtube.com/watch?v=rgywUyMrhc8
Mais le coeur battant du récit, son étoile noire aussi fascinante qu’inquiétante, reste Nick, le fils de Madison, formidablement interprété par Frank Dilliane. Jeune drogué à la dérive avant l’effondrement du monde, il trouve dans l’apocalyptique table rase l’occasion de se reconstruire en prototype de l’homo zombicus, être des temps nouveaux dont la pulsion de vie cohabite avec celle des morts dans un rapport de quasi-égalité. L’idée de placer l’espoir de l’humanité dans le corps frêle d’un jeune homme inadapté et hypersensible, de transmuter ses défauts en atouts, est le plus beau geste de ce spin off.
Une ampleur dramatique inattendue
Artificiellement divisée en deux arcs narratifs, la deuxième saison de Fear the Walking Dead avait alterné le huis-clos poussif sur un bateau à la constitution hasardeuse d’un hôtel-forteresse, tout en envoyant Nick rencontrer une nouvelle communauté en électron libre. La saison trois démarre par un double épisode à l’ambition stupéfiante, qui réunit la petite famille dans un camp de pseudo-militaires au fil d’une dramaturgie électrique, colorée d’infinie tristesse et d’action haletante.
https://www.youtube.com/watch?v=WDhVuP4qXfc
En tentant de passer la frontière mexicaine vers les Etats-Unis (cruelle ironie), Nick, Alicia, Madison et Travis sont capturés par Troy, un jeune homme instable à la tête d’un groupe lourdement armés. Chacun à leur manière, ils tentent de court-circuiter ses jeux sadiques, et finiront par découvrir qu’il ne constitue que l’avant-garde d’une communauté plus importante, qui pourrait constituer tout autant un refuge qu’une nouvelle menace. Après une deuxième saison éclatée, ces nouveaux épisodes semblent polarisés par Madison et ses deux enfants, plus débrouillards et déterminés que jamais, et enfin re-soudés. Une famille étonnante dans un monde complètement fou.
https://www.youtube.com/watch?v=DkPflecnTIw
Fear the Walking Dead, saison 3, à partir du 5 juin 2017 sur Canal+ séries.
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