La palme de la discorde revient cette année à “Genre queer” de Maia Kobabe, roman graphique sur la non-binarité et l’asexualité.
Chaque année, l’American Library Association, vénérable association des bibliothèques américaines, recense les ouvrages faisant l’objet de demandes d’interdictions : elle a reçu 729 contestations de documents de bibliothèques, d’écoles et d’universités en 2021, contre 156 en 2020. Ces plaintes émanent le plus souvent de parents d’élèves ou d’activistes conservateurs scrutant des titres susceptibles, à leurs yeux pudibonds, de heurter les plus jeunes. Des œuvres “interdites, contestées et restreintes pour leur contenu LGBTQIA+ et parce qu’elles sont considérées comme ayant des images sexuellement explicites”, selon la ALA. Jusqu’ici, c’était Alex Gino et son roman jeunesse George sur un enfant trans (rebaptisé depuis Melissa, aux États-Unis) qui avait suscité l’ire des réactionnaires de tous poils. Le courroux des bigot·tes s’est cette fois abattu sur Genre queer de Maia Kobabe, qui arrive en première position : publié en 2019 aux États-Unis et en mai en France, dans une traduction d’Anne-Charlotte Husson aux éditions Casterman, il n’a pas, chez nous, soulevé d’indignation.
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“Obscénité”
Le livre fait ainsi l’objet, comme tant d’autres traitant de racisme ou d’égalité, d’attaques répétées et LGBTphobes. Encore récemment : en mai dernier, en Virginie, un ex-candidat au Congrès, le Républicain Tommy Altman a ainsi porté plainte contre la chaîne de librairies Barnes & Noble pour sa vente aux mineur·es de Genre queer et d’Un palais d’épines et de roses de Sarah J. Maas, deux titres “obscènes” selon lui. Une plainte classée sans suite le 30 août dernier.
Ça tombe bien, on a lu Genre queer. De quoi s’agit-il ? Ce roman graphique autobiographique décrit par le menu les méandres du cheminement intime de son auteur·trice pour comprendre et affirmer son identité de genre et son orientation sexuelle. Pris·e pour un garçon à l’école, phobique du sang menstruel et souffrant de dysphorie de genre, Kobabe, qui dit ne se sentir ni homme ni femme, s’est d’abord identifié·e comme bisexuel·le. L’artiste s’interroge : “Suis-je une personne trans ? Pourquoi je n’aime pas le porno gay ?” Maia Kobabe envisage l’identité de genre, non pas comme un spectre, mais comme un “paysage” doté d’infinies variations et nuances. L’artiste ajoute ici une précieuse contribution à la visibilité des personnes non-binaires et asexuelles, peu représentées dans la pop culture. Au pronom neutre “iel”, Maia Kobabe préfère “ille”, en français : le magazine Time a d’ailleurs été moqué en adoptant ces pronoms à son sujet lors d’une récente interview.
Rassurez-vous, face aux attaques répétées, la riposte est là : engagée pour la liberté d’expression, l’American Library Association, par l’entremise de son service consacré à la littérature jeunesse (The Young Adult Library Services Association), a décerné à Genre queer un prix en 2020, recommandant chaudement sa lecture aux 12-18 ans.
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