Réalisé par la réalisatrice et actrice tchèque Bojena Horackova, le long métrage revient sur les rêves et émois de la jeunesse lituanienne d’avant la chute du bloc communiste, autour d’un élément clef : le lac.
En référence à Walden ou la Vie dans les bois d’Henry David Thoreau, récit du 19e siècle avec qui il partage la recherche éperdue d’un lac, le nouveau film de la cinéaste tchèque Bojena Horackova nous emmène à Vilnius, entre 1989 et aujourd’hui. Le lac de cette forêt lituanienne est le lieu d’une ancienne idylle pour Jane, jouée dans le passé par Ina Marija Bartaitė, à la mélancolie opaque, fille de l’envoûtante et regrettée Yekaterina Golubeva (vue chez Leos Carax, Claire Denis, Bruno Dumont…), et de nos jours par une désarmante Fabienne Babe (Le Garçu, Zanzibar, De bruit et de fureur…).
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Deux femmes pour un même personnage, filmées comme si le temps avait opéré une dissociation à un endroit du cœur. Après trente ans d’exil à Paris, le retour sonne comme une quête proustienne d’un souvenir égaré dans les limbes. Après tout ce temps : ce lac a-t-il vraiment existé ?
Une quête fantomale vers le lieu d’un ancien amour
Au bord de ce lac nommé Walden, Jane s’y est réfugiée avec Paulius. C’est ici que deux visions de l’avenir se sont rencontrées. Elle, jeune fille studieuse et laconique, bientôt promise à s’expatrier, et lui, vivant du marché noir dans la grisaille glacée de la ville. De cet accrochage des corps contraires, de cette rencontre peau à peau, se manifeste une jeunesse farouchement romantique, tiraillée entre le désir de fuir et la froide soumission au régime soviétique. Retrouver le lieu d’un ancien amour est ainsi pour Jane une quête fantomale, où la pesanteur des plans-séquences vient ancrer sa connexion avec un passé dont elle ne sait plus s’il est bon ou non de le remuer. Entre les patinoires sans vie, les appartements figés dans le temps ou les rues pâles, émerge alors ce lac superbe. Il est comme la première et la dernière image, objet du passé et territoire de l’avenir. C’est le petit miracle du film de parvenir à en faire un royaume originel, œil de la terre et noyau de l’âme, filmé nu dans son vent pur. L’évidence même.
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