Artiste devenu homme de télé, clown érudit prisant les cercles du pouvoir, il se retrouve ministre. Mais quelle culture défend le nouveau joker de la Sarkozie ?
Retour sur image : la veille de sa nomination officielle, Frédéric Mitterrand est interviewé à Rome quittant la Villa Médicis, et déjà en route pour prendre la tête du ministère de la Culture et de la Communication. Faussement improvisée, apparemment irrespectueuse du protocole, mais sans nul doute soigneusement préparée pour jeter de la poudre aux yeux sur le remaniement très à droite du nouveau gouvernement de Nicolas Sarkozy, cette “vacance romaine” nous rappelle d’emblée que le neveu de François Mitterrand est un homme non pas d’appareil, mais plutôt d’apparat. Choisi d’abord pour son nom de famille, reconnaissable à sa voix lyrique, et connu pour son visage de présentateur télé raffiné : ce qui s’appelle une nomination people.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Reste une question : quel homme de culture arrive aujourd’hui Rue de Valois ? Contrairement à ses prédécesseurs, “Frédéric” n’est pas un technocrate de la culture – on ne lui en fera d’ailleurs pas le reproche. Contrairement à ses prédécesseurs, d’ordinaire recrutés dans le monde du théâtre ou des arts, il est issu du monde de la télévision et du cinéma – distributeur de films à ses débuts, tout comme son homologue Marin Karmitz, devenu l’autre ministre de la culture, officieux, de Nicolas Sarkozy : un point commun qui révèle un vrai décentrement en matière de politique culturelle.
Ni technocrate donc, ni politicien, et certainement pas de gauche puisqu’il a notamment appelé à voter Chirac dès 1995, Frédéric Mitterrand ne doit en fait sa légitimité à ce poste ministériel qu’à ses propres goûts, extrêmement éclectiques. Ça commence avec la défense du cinéma d’auteur : ses deux salles de cinéma parisiennes, L’Olympic et L’Entrepôt, lieux phare de la cinéphilie française des années 70-80, introduisent en France les films de Fassbinder. Dans la foulée, il y a aussi l’émission de télévision Etoiles et toiles où il raconte le destin tragique des actrices avec des trémolos dans la voix. Et le beau film durassien qu’il réalise en 1981, Lettres d’amour en Somalie.
Mais cette ligne claire se double aussi de grands écarts de goût : on le voit passant du pointu au populaire, de Cassavetes à Amélie Poulain, de Wenders à Sylvie Vartan – toujours sans chapelle, mais aussi girouettant en tous sens, et facilement ringard. Ami des stars comme on dit chez Drucker, programmant à la Villa Médicis le peintre néoclassique Gérard Garouste, il entretient avec la culture un rapport tout en empathie : enflammé et lyrique sur tous ses sujets, et ce jusqu’au despote tunisien Habib Bourguiba auquel il consacra un documentaire. Homme de variétés donc, au sens propre comme au sens Maritie et Gilbert Carpentier du terme. Mais cet éclectisme est-il soluble dans une politique serrée ? Et celui qui déposa publiquement son Sept d’or à terre, pour dire à quel point le service public était tombé bien bas, pourra-t-il inverser la tendance au désengagement de l’Etat ?
{"type":"Banniere-Basse"}