Arcade Fire en feu, une scène musicale israélienne en plein boum et King Krule annonçant un nouvel album ? On vous raconte notre dernier jour à Primavera.
Pour une fois, un soir de finale de Ligue des Champions, le coeur de Barcelone ne battait pas pour le football. A part chez une poignée d’irréductibles rassemblés devant un écran géant improvisé, les conversations tournaient davantage autour de l’imminence du concert d’Arcade Fire que de la victoire du Real Madrid. Plus d’une heure avant le coup d’envoi du show des Canadiens, le public s’entassaient déjà contre les crash barrières de la scène Mango. Everything Now, le dernier single du groupe, commence comme ça : « Every inch of sky’s got a star / chaque centimètre du ciel possède une étoile » ; samedi soir, les étoiles dans le ciel de la Catalogne ne brillaient que pour Arcade Fire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La claque du festival
Sur les coups de minuit, l’intro de Everything Now retentit, tandis que les écrans situés de part et d’autre de la plus grande scène du festival diffusent des images statiques du clip. Le gang de Régine Chassagne et Win Butler déboule alors en combi de voyageur du temps et teddy flanqué du logo EN entouré par un globe terrestre, avant d’envoyer Wake Up et de provoquer un raz de marée sur le Parc du Forum. Débarrassé des jeux de miroirs et autres délires carnavalesques de la dernière tournée, Arcade Fire impose désormais une esthétique rétro-futuriste plus fun, à l’image des effets sonores vintage des synthétiseurs Korg de William Butler. Ils ponctueront chaque interlude et chaque digression sonore, donnant insidieusement au show des allures de voyage à bord de l’Entreprise, époque Leonard Nimoy.
Everything Now viendra très vite. Chanté en choeur par la foule, le titre s’inscrit dans la grande tradition de ces morceaux que l’on critique, mais dont les paroles seront systématiquement reprises par le public à chaque concert du groupe. Dévoilé deux jours plus tôt sur une scène planquée sur le site du festival, Creature Comfort devrait également être l’un des moments forts de l’album. Mi-parlée, mi-chantée, la chanson est lâchée en fin de set. Les paroles sont acerbes « God, make me famous if you can’t me it painless / Dieu, fais au moins de moi quelqu’un de célèbre, si tu peux pas rendre les choses moins douloureuses », mais scandées à la manière d’un crieur public, elles deviennent cathartiques.
Quelques classiques retrouvent aussi leur place dans une setlist qui ne fait que monter en puissance, comme Neon Bible. Sur In the Backseat, Régine est sur le point de lâcher une larme, que l’intro de Ready to Start se charge de réfréner. Le très Funeral enchaînement, Neighborhood #3 (Power Out) et Rebellion (Lies) viendra clôturer un concert particulièrement beau… Win Butler se permettra même de rajouter une couche au sublime, en jouant en rappel le très introspectif Windowsill.
La puissance de Pond et la violence de Preoccupations
Ce n’est pas parce qu’on a bien terminé la soirée, que la journée avait mal commencé. En début d’après-midi, Pond a balancé 30 000 mégatonnes de psychédélisme futuriste sur Barcelone, tandis que, après la prestation flamboyante de The Make-Up la veille, Royal Trux est venu enfoncer le clou. Histoire sans doute de rappeler que Washington D.C. n’abrite pas seulement un idiot à la Maison Blanche, mais également une scène musicale toujours aussi radicale. On s’attarde devant Angel Olsen, le temps de constater que Not Gonna Kill You est définitivement un grand morceau, puis on file du côté de l’Auditori Rockdelux, où Alex Cameron fait son récital.
On n’aurait, bien entendu, pas manqué Preoccupation, qui jouait bien après Arcade Fire, sur la scène Pitchfork, à une heure déjà bien avancée de la nuit. On n’y trouve que des fans, venus prendre pleine face le riff de Continental Shelf et la violence de Stimulation. L’ambiance est moite, alcoolisée et post-apocalyptique.
On peut rentrer se coucher.
F.M.
Autant vous prévenir, on s’est totalement plantés hier en disant que le samedi serait placé sous le signe du rock indé. Ce sera plutôt la soirée des artistes solos, mais la chose a finalement peu d’importance. Nous y voilà donc : dernière soirée sur le sol barcelonais, avant de troquer l’odeur des toilettes du festival contre celle des couloirs du métro. Le temps s’est certes un peu couvert, mais les tenues des garçons et des filles ne se sont pas allongées d’un centimètre de tissu ; et tous paraissent bien décidés à en découdre et à profiter de ce samedi soir.
Tel Aviv à l’honneur
Chose qui se vérifie très vite, aux abords d’une scène située un peu à l’écart des autres. Là-bas, une petite assemblée attend Noga Erez qui arrive dans ce qui semble être un peignoir de boxe. Accompagnée de deux musiciens, la jeune femme balance sans discontinuer des titres tirés de son premier album, Off The Radar, et ne cesse d’effectuer des danses ultra-communicatives. On ne vous en dit pas plus de peur de vous gâcher la surprise, puisqu’elle jouera aux Bains le 15 juin pour les Inrocks. Sachez simplement que des morceaux comme Toy ou Pity sont incontestablement taillés pour les lives, et que l’Israélienne a une présence scénique qui est difficilement comparable.
Après un tour du coté de la chouette prestation d’Angel Olsen, on se retrouve sur la même étendue d’herbe sèche qu’auparavant. Comme Noga Erez, Autarkic vient de Tel Aviv, et sa prestation est une claque intégrale. Débutant avec une petite vingtaine de personnes devant lui, l’homme en noir finit devant une foule aussi survoltée qu’un raver sous MDMA. Cascade de basses orientales, synthés analogico-hypnotiques, voix noyée dans l’écho : la formule magique prend tout de suite, et la seule chose que l’on pourrait regretter serait finalement la durée de son set, trop court. Malgré tout, l’Israélien se place comme un très gros espoir, et on ne peut que vous conseiller l’écoute de ses titres et remixes.
Un nouvel album de King Krule ?
Le temps d’une micro-pizza rapidement engloutie, et Kelly Lee Owens entre seule sur scène. La jeune femme effectue un show intéressant, mais il ne faut malheureusement pas s’attarder : un peu plus loin, King Krule s’apprête à jouer. Difficile d’être objectif, avec le jeune Britannique. Il y a quatre ans (déjà), ce dernier nous avait offert un véritable bijou avec son premier album, et sa venue était donc ultra attendue ; tant par nous-même que par le public. La nuit tombée, le voilà donc qui arrive avec son groupe, trainant un peu des pieds et vêtu, comme à son habitude, d’une veste beaucoup trop grande pour lui. Pendant une heure, il passera en revue les morceaux de Six Feet Beneath The Moon, et nous offrira plusieurs inédits, dont The Locomotive et Dumb Surfer. Annonciateurs d’un album ? Au vu de la qualité des morceaux et de l’apport du saxo sur ses compos, on ne peut que croiser les doigts. Grâce à la captation de Pitchfork, vous pouvez en tout cas retrouver ces nouveaux morceaux ci-dessous :
Il se fait tard, le froid tombe sur Barcelone et les nouvelles de Londres commencent à arriver. La soirée touche donc à sa fin, mais on ira quand même écouter Skepta, histoire de rendre un dernier hommage aux gouttes de sueur égarées sur le sol de Primavera. Repris en choeur par tous les kids du festival, le rappeur balance un show rageur et maitrisé, avant que les soeurs Haim ne finissent par être annoncées comme la surprise du jour.
Curiosité et conscience professionnelle oblige, on passera à leur concert et en ressortirons avec une conviction : cette édition de Primavera aurait sans doute mérité un meilleur point final. Une foule massive se trémousse néanmoins, et scande les paroles de morceaux tels que le très récent Want You Back. Peut-être qu’on a manqué quelque chose dans la musique des jeunes Californiennes. Peut-être pas, et puis peu importe : après tout, chacun son truc.
X.R.
{"type":"Banniere-Basse"}