Le groupe new-yorkais est de retour après trois ans d’absence. Leur troisième album, « Somersault », délaisse un peu les guitares au profit d’influences plus douces et plus jazz.
Dustin Payseur leader des Beach Fossils est un artiste torturé, adorateur de la musique et en phase avec son époque. Installé à Brooklyn depuis près de dix ans, le musicien, accompagné de sa bande, a mis pas moins de trois années pour sortir un nouvel album, Somersault. C’est la première fois qu’ils attendent si longtemps entre deux enregistrements : en 2010 et en 2012, ils avaient enchaîné EP et LP à quelques mois d’écart.
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Et si Somersault aborde l’amère sensation du passage à l’âge adulte, le disque confirme une nouvelle ère pour le groupe de dream pop et de rock aéré, qui existe depuis huit ans. Plus posé et réfléchi et toujours aussi talentueux, Dustin Payseur a raconté comment la liberté inédite dont il joui avec son groupe a permis de faire de Somersault un album unique.
Auparavant, vous sortiez plusieurs EP et albums par an. Somersault arrive trois ans après Clash the Truth, dernier disque en date. Pourquoi avoir pris plus de temps cette fois-ci ?
Dustin Payseur – Je me sentais juste disponible et j’appréciais l’idée que je pouvais prendre mon temps. C’est le premier enregistrement de Beach Fossils que j’ai signé sur mon propre label (ndlr : Bayonnet Records fondé en 2014), alors je n’avais pas de pression de la part d’une maison de disques, ou d’un contrat. J’ai juste composé et enregistré l’album que je voulais créer dans une plus grand liberté.
T’es-tu senti plus libre musicalement, aussi ?
Ouais, peut-être bien. Je me suis occupé de beaucoup d’aspects sur la préparation de l’album. Je l’ai presque intégralement produit moi-même, si ce n’est quelque détails que j’ai travaillés avec d’autres personnes. Tout faire soi-même, juste mon groupe et moi, nous a offert une liberté temporelle. Nous n’avons pas été obligés de nous précipiter et cela nous a donné la possibilité de nous concentrer plus longuement et plus attentivement sur un tas de choses, par exemple sur des instruments que nous n’avions pas l’habitude d’utiliser. C’était plus facile de faire venir d’autres musiciens dans le studio pour enregistrer. Ainsi la flûte traversière qu’on entend sur le disque, ou un trio à cordes qui pourrait jouer avec nous, etc. Donc oui, avoir ce temps nous a donné la liberté d’explorer d’autres possibilités, d’autres instruments.
Quels genres d’instruments ?
On s’est assuré de pouvoir enregistrer tous ceux qu’on souhaitait utiliser sur le disque. Ça nous a demandé de trouver des studios qui possédaient ces instruments, et des personnes capables d’en jouer. On entend de la flûte, de la harpe, du saxophone, il y aussi une partie avec des cordes, et une pedal steel guitar.
On entend effectivement un solo de flûte sur Saint Ivy…
La flûte traversière est un de mes instruments préférés ! Je pense qu’elle possède un son exceptionnel, avec de nombreuses textures très intéressantes qui se marient à merveille. On a le bruit du souffle qui accompagne le son, et le fait de pouvoir contrôler cet aspect avec sa respiration c’est comme donner vie à la la musique qui s’en dégage. L’utiliser dans le titre Saint Ivy, c’était une façon d’apporter un peu de calme et de ralentir la cadence, histoire de souffler.
On sent que vous vous êtes autorisé des expérimentations que vous n’aviez jamais osées auparavant.
Pour moi, c’est un peu le disque que j’ai toujours rêvé de réaliser. Mais, je n’ai jamais su comment le faire. Je crois que j’ai réussi à le terminer quand j’ai senti que je pouvais prendre mon temps et que je n’avais pas à me mettre la pression. Je pouvais composer des chansons, les mettre de côté pour y revenir plus tard et prendre du recul sur certains choix. Je n’avais jamais eu l’occasion de travailler de la sorte avant. D’habitude je m’assois et j’écris des chansons d’une seule traite. Cette fois, nous pouvons passer des mois sur un seul et unique morceau, c’était très agréable.
Tu vis à Brooklyn depuis neuf ans maintenant. Te sens-tu connecté à cette ville ?
C’est un peu difficile à expliquer. J’ai grandi dans une plus petite ville et à mes yeux c’était un endroit terriblement excitant qui soutient l’art dans toute sa grandeur, qui renferme une telle histoire, nourrie de nations vivantes et une multitude d’artistes si différents. J’ai toujours voulu être entouré de cette énergie si créative, et sentir que je pouvais m’exprimer totalement. Dès que j’en ai eu l’occasion, j’ai déménagé et j’ai tout simplement adoré la ville. C’est un lieu qui m’inspire constamment.
Tu as affirmé que Massive Attack influait beaucoup sur ta musique. Ils sont revenus l’an dernier. Qu’est-ce que tu penses que ces vieux groupes qui resurgissent, comme Gorillaz récemment par exemple ?
J’adore quand un artiste que j’ai aimé revient avec de nouvelles choses. Pour moi, ça signifie qu’ils croient en quelque chose, qu’ils se sentent concernés par le monde qui les entoure. Souvent, quand un artiste revient, c’est qu’il a passé des années à réfléchir et préparer son retour secrètement. C’est génial parce qu’il ne souffre d’aucune pression, Les gens n’attendent rien de lui, s’ils n’attendent pas d’albums. En fait, ces groupes travaillent sur ces projets parce qu’ils le veulent.
Tu as l’air de craindre la pression. En as-tu déjà fait l’expérience au cours de ta carrière ?
Je pense que la seule source de pression que j’ai ressentie vient de moi. Je me pousse vraiment à travailler dur. le plus important selon moi, c’est continuer à créer des choses qui me rendent fier. Je me fiche du temps que cela pourra prendre, ou de savoir si les gens aimeront ou pas. J’espère juste que le résultat me plaira.
Beach Fossils a participé au projet Our 100 Days, qui vise à protester contre l’élection de Donald Trump. Est-ce que tu ressens le besoin de t’engager davantage depuis que des gens dangereux comme lui se rapprochent du pouvoir ?
La musique protestataire et engagée est plus ou moins populaire selon les périodes, avec plus ou moins d’intensité. Les gens vivent un moment difficile actuellement, où la protestation a toute sa place. Somersault est quelque chose d’engagé, pas forcément politiquement mais cela compte malgré tout. On a tenu à créer davantage qu’un simple objet culturel et artistique. Comme une peinture doit être plus qu’une image, une bonne chanson ne peut pas se résumer à une musicalité agréable à écouter. Elle doit mener les gens à réfléchir, à ressentir des émotions et à se poser des questions.
Our First 100 Days by Beach FossilsSomersault est disponible à partir du 2 juin, sur Apple Music.
Concerts à Rock en Seine le 25 août à Paris, le 15 septembre au Hog Hog à Saint-Amans-des-Côts (Aveyron), et à Roubaix le 19 septembre.
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