À la fois visual novel libéré et premier EP d’un groupe virtuel, l’œuvre ludique du collectif Team OFK se révèle aussi touchante qu’inventive.
“The Internet is IRL”. Internet, et plus généralement tout ce qui relève des échanges à distance et des mises en scène plus ou moins sarcastiques ou poseuses des autres et de soi-même, c’est la vraie vie, et non un espace parallèle au réel dont les événements nous laisseraient miraculeusement indemnes. Prononcée au cours de son deuxième chapitre intitulé Loops, cette phrase pourrait bien être l’une des clés de We Are OFK, l’étonnante fiction interactive musicale conçue par un collectif de jeunes designers, auteur⸱trices et musicien⸱nes américain⸱es réuni⸱es sous le nom de Team OFK.
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Une histoire en cinq parties dont les sorties s’échelonneront, comme pour une série télé, jusqu’à l’arrivée, le 8 septembre, de son épatant final, sensiblement plus long (une heure et demie) que les épisodes précédents (environ une heure).
Synthétique
Iels sont quatre : le chanteur/songwriter Luca, la pianiste/manager Itsu, la productrice Jey et puis Carter, virtuose des effets numériques, qui apparaît d’abord comme un personnage faussement un peu secondaire, mais qui est ensuite au centre du meilleur épisode de We Are OFK, le quatrième. Ils sont quatre, ou plutôt cinq, en comptant Debug, l’hologramme de chat/assistant personnel codé par Carter, qui se révèle bien plus qu’un animal domestique 2.0 – un pivot, un catalyseur, un truc dont, par son étrangeté même, la présence a quelque chose de libérateur.
Ils sont OFK, ou en tout cas veulent le devenir : enregistrer leur musique, se faire connaître. Oui, mais l’industrie musicale, les affects, la balance entre le besoin de stabilité et les ambitions personnelles… Entre soi et le monde, les désirs et le réel auquel on se cogne, forcément, ça tangue pour ces jeunes gens et filles bien de leur temps dans le Los Angeles synthétique de We Are OFK.
L’attente
L’art de la conversation. Tel est, au fond, le moteur de cette variante ultra-moderne et ludique des romans épistolaire où chacun·e a toujours son téléphone à portée de main et où les discussions régulièrement mises en pause semblent ne jamais avoir de fin. Pour une étude comparée des délices et des effets cruels de l’immédiateté ? Au contraire : ici, c’est l’attente qui règne. L’attente du succès, du moment où l’on sera enfin en accord avec soi-même (et avec ses parents, incidemment), mais aussi, plus concrètement, de ce message qui nous est destiné et qui ne se décide pas à s’afficher. Sur l’écran du mobile, les petits points maudits nous disent qu’il ou elle écrit. Le temps est comme suspendu, et nous aussi.
We Are OFK est beaucoup de choses : un visual novel pop et queer brillamment mis en scène, la célébration débridée d’un certain dandysme post-teen qui ne choisit pas entre le jeu (la pose) et les sentiments, le premier EP (de cinq titres) d’un groupe qui n’existe pas vraiment (et qui, quand on lui dit Gorillaz, répond Alvin and the Chipmunks ou Josie et les Pussycats), et, aussi, un collage esthète de formes narratives et ludiques d’origines variées (sitcom, rhythm game, RPG…). “We’re not OK and that’s allright”, proclament nos nouveaux⸱elles ami⸱es. Leurs mots, comme elleux, nous accompagneront longtemps.
We Are OFK (Team OFK), sur Switch, PS4, PS5, Mac et Windows, environ 20€
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