Frédéric Mitterrand est bien le nouveau Ministre de la Culture. Mais sa sortie prématurée a rendu Sarkozy furieux, qui a du coup dévoilé sa nouvelle équipe avec un jour d’avance.
Frédéric Mitterrand avait dégainé dans l’après-midi, et du coup c’est toute l’annonce du remaniement qui en a été avancée – ce qui aurait rendu Nicolas Sarkozy absolument furieux contre son nouveau ministre, ça commence bien.
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Mardi 23 juin à 20 heures, le neveu de François Mitterrand a bien été confirmé au poste de ministre de la Culture. Son arrivée reste la plus marquante au sein d’un nouveau gouvernement qui reste assez stable au final : huit entrants, huit sortants, pour un casting qui donne plus dans le toilettage que la révolution de palais.
Jean-Louis Borloo (Ecologie et développement durable), Christine Lagarde (Economie) et Bernard Kouchner (Affaire Etrangères) ont en effet été confirmés à leur poste, alors que dans un petit twist Michèle Alliot-Marie échange l’Intérieur contre la Justice (en lieu et place de Rachida Dati), laissant sa place à Beauveau au fidèle parmi les fidèles de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux.
Luc Chatel (ex-Industrie et Consommation) passe lui à l’Education, et Rama Yade remplace finalement Bernard Laporte au secrétariat d’Etat chargé de la Jeunesse et des Sports.
Du côté des nouveaux venus, on remarque Michel Mercier, trésorier du Modem qui récupère un portefeuille consacré à l’Espace rural et à l’Aménagement du territoire. On remarque aussi le retour de Christian Estrosi, fidèle de Sarkozy, qui prend l’Industrie. Mais aussi celui de Pierre Lellouche, nommé secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes.
Après son cafouillage aux Antilles, Yves Jégo sera lui remplacé par Marie-Luce Penchard au secrétariat d’Etat à l’Outre-mer.
Miterrand seule vértitable surprise
La captation symbolique d’un nom qui résonne fort à gauche, même si le neveu de François ne s’est jamais ouvertement positionné comme un militant socialiste échevelé, sonne comme un nouveau coup malicieux de Sarkozy, trop content de semer le trouble dans l’opposition décidément vite lâchée par ses anciens supporters. Après Marin Karmitz, nommé délégué général à la création artistique par Sarkozy, c’est une autre figure de la « culture de gauche » qui cède aux avances de l’illusionniste élyséen.
Mais c’est aussi un nouvel homme qui monte au créneau. Avec Karmitz et Mitterrand, le ministère de la Culture se positionne pour la première fois de manière aussi affirmée sur le registre des images. Après la littérature (André Malraux, Françoise Giroud…), le spectacle vivant (Michel Guy, Jack Lang…) ou les arts (Jean-Jacques Aillagon), c’est le cinéma et la télé qui semblent ainsi marquer de leur empreinte les destinées du ministère de la Culture. Il sera de ce point de vue intéressant de suivre le travail commun que mèneront les deux hommes. Pour Mitterrand, c’est évidemment la reconnaissance d’un parcours à la fois singulier et pleinement au cœur de la vie culturelle française : exploitant de salles d’art et essai, producteur, réalisateur, animateur télé, scénariste, écrivain…Nous l’avions rencontré en 2004, à l’époque où il dirigerait la télé francophone TV5. Un homme plein de paradoxes, riant sans cesse et affichant ses blessures à ciel ouvert… Il disait rêver d’ailleurs, « du côté des vaincus moralement », et affirmait : « je ne me sens bien que dans une salle de montage ou sur un tournage ». Et d’ajouter : « Les choses qui me procurent de la joie sont rares ».
Personnage proustien, la dualité l’accompagne depuis sa naissance, au sein même de sa famille, divisée entre le clan bourgeois maternel et le clan paternel, les Mitterrand, nourris au lait du militantisme. En lui-même, ce clivage s’inscrit au gré des années : initié à la chose politique par son oncle François, il avoue être assez peu fasciné par la culture ouvrière. « Rien ne me rattache au socialisme dans ma manière de vivre ; j’ai peur des manifestations, je ne me suis jamais bien senti dans un rassemblement d’intermittents ou d’homosexuels ».
A la tête d’un Ministère lessivé ?
Sous le vernis de son masque de clown élégant, Mitterrand traînait alors sa solitude et ses inquiétudes. « La peur est au cœur de mon histoire personnelle », avouait t-il. « J’ai été un enfant battu jusqu’à 10 ans par ma gouvernante, dans le dos de mes parents. Je dois surmonter ça. Vous voyez, j’ai quelques soupières fumantes, trois ou quatre autres encore ».
Aujourd’hui, à 61 ans, il s’ouvre à des horizons politiques inédits, non sans savoir que la tache qui l’attend sera rude. Il va se frotter à un ministère fragilisé, dont la place et le rôle dans l’organisation de la vie culturelle en France sont de plus en plus remis en cause pour des raisons autant budgétaires que structurelles. Un ministère lessivé aussi par des débats houleux depuis un an : vivement contestées, la loi sur l’audiovisuel public et la loi Hadopi ont mobilisé l’énergie de la ministre, pourtant sacrifiée. On ne connaît rien encore de ses idées et ses futures orientations, sinon qu’elles seront évidemment scrutées par son nouveau mentor Sarkozy, qui paraît-il, se découvrirait de nouvelles ambitions culturelles pour son pays depuis qu’il regarde des films et lit des livres à la maison avec Carla.
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