Les nouveaux tauliers de l’hebdo renouent avec sa verve provocatrice. Une façon d’en finir avec les prises de position contestées de Val et sa surexposition médiatique. Mais Charlie connaît des difficultés…
La nomination de Philippe Val à Radio France en a surpris plus d’un. Y compris dans sa propre rédaction à Charlie : “Quand on a entendu les premières rumeurs, on n’y croyait pas. On l’a appris quasiment en même temps que le public.” raconte Charb, devenu directeur de la publication. C’est dire si l’ère post-Val a démarré du jour au lendemain, après dix-sept ans de règne à la tête de Charlie Hebdo. Une bouffée d’air pour ceux qui se plaignaient de son autoritarisme, comme Cavanna, l’un des fondateurs du titre, qui a lancé dans son édito d’adieu un “Vive la liberté” plutôt abrupt ?
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De fait, les éditos de l’ancien directeur étaient loin de faire l’unanimité à la rédaction, notamment lorsqu’il soutenait les bombardements de l’Otan sur la Serbie ou faisait campagne pour le “oui” au référendum européen. Pour autant, les avis sont partagés : d’autres journalistes affirment avoir toujours été libres de s’exprimer. C’est le cas de ceux qui ont repris la direction, pour lesquels, de ce fait, il n’y aura pas de changement majeur de la ligne éditoriale : “Il y aura plus de dessins et les textes seront plus courts, mais c’est tout. On avait des divergences avec Val, mais pas au point de vouloir faire un journal différent, sinon ça n’aurait pas pu fonctionner pendant dix-sept ans” déclare Riss, directeur de la rédaction. Charb s’amuse : “Avec lui, on était en désaccord sur tout, sauf sur l’essentiel : faire un journal de gauche.” Un terme qui recouvre des réalités multiples…
Mais précisément, le pluralisme a plutôt bonne presse à Charlie : “Charlie, c’est un peu comme la gauche plurielle du gouvernement Jospin, déclare Riss. Il y en a pour toutes les tendances.” Pas de virage donc, mais peut-être une identité plus sobre. Charb : “Le principal changement c’est que Charlie ne sera plus associé à Val, qui était omniprésent sur la scène médiatique. Du coup, je pense que l’image du journal était un peu brouillée et que la dimension satirique était un peu perdue de vue. On ne le remplacera pas sur les plateaux télé, on n’a pas d’attrait pour ça, mais on a envie de renouer avec ce qui nous rassemble : le goût de la satire.” Et comme pour répondre à ceux qui l’accusent d’avoir perdu de sa verve provocatrice, l’hebdo a de nouveau choqué ce mois-ci avec sa une signée Riss sur le crash de Rio… Au point que Frédéric Lefebvre (UMP) a appelé au boycott du journal et que celui-ci a été inondé de courriers scandalisés. Riss : “Tout le monde nous dit que l’esprit ravageur d’Hara Kiri a disparu, mais quand on fait une couve choquante, on nous le reproche !”.
Mais malgré ce genre de coups de pub – involontaires, nous dit-on – le journal ne cache pas qu’il traverse une passe difficile : l’éviction de Siné, puis la création de Siné Hebdo lui aurait fait perdre environ 8 000 lecteurs. Charb : “On ne voit pas ce que Siné écrit dans son journal qu’il n’aurait pas pu dire dans Charlie ! Le but de Siné Hebdo est clairement d’avoir notre peau.” Une guéguerre qui coûte cher au journal, qui ne vit que de son lectorat.
Et si Charlie est présent sur l’internet depuis deux mois via son site, seuls des extraits sont en ligne pour ne pas faire baisser les ventes en kiosque. Luz : “Au moment de l’affaire Siné, les critiques les plus violentes à notre égard venaient de l’internet, et nous n’avions pas la possibilité de réagir. L’idée du site est de pouvoir répondre en direct aux attaques qui nous sont adressées.” Illustration avec la réaction de Charb en ligne cette semaine à propos de la une sur le crash : “Apprenez à lire un dessin, analphabètes crétins !”
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