De la dépression à la rom com, il n’y a qu’un pas, franchi par Blanche Gardin dans ce premier long signé Céline Delvaux, à l’exécution originale et inspirée.
On est rapidement séduit·e par la justesse de ton, la qualité de rythme et l’humour savamment dosé de cette comédie romantique à tendance gentiment dépressive, assez classique dans ses principes de base mais à l’exécution inspirée.
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Raconté depuis la voix intérieure de son héroïne (incarnée par les apparitions récurrentes d’une espèce de serpillière animée dessinée par la réalisatrice, qui double aussi elle-même cette conscience), Tout le monde aime Jeanne nous la présente en pleine disgrâce.
Se remettant difficilement d’un échec professionnel humiliant, peinant à se remettre en selle psychologiquement mais aussi financièrement, Jeanne (Blanche Gardin) doit en sus affronter le décès de sa mère, et embarque pour Lisbonne afin de vider et vendre l’appartement familial, dans l’espoir d’en tirer un pécule ainsi que la force de repartir du bon pied. Le portrait de femme est alors piraté par une rencontre impromptue (un ami de lycée joué par Laurent Laffite) qui va s’approprier le récit et tirer Jeanne vers la légèreté, la bizarrerie et – on s’en serait douté·e – la sentimentalité.
Un effet de beau roman graphique
La qualité du travail de Céline Devaux réside principalement dans son équilibre de ton, qui permet à toute une panoplie de personnages définis par des caractères élémentaires (le prétendant doux dingue et fantasque, le frère sympathique et maladroit, l’ex charmeur voire libidineux) de s’incarner d’une façon très naturelle, sans caricature, échappant très joliment à leurs fonctionnalités respectives.
Le film ne sacrifie jamais la sincérité sur l’autel de la comédie – et on le sent d’ailleurs aussi très sincère et habité à l’endroit de la dépression dont souffre Jeanne, racontée avec une subtilité dépourvue de toute forme de simplisme et de complaisance.
Il parvient à ne jamais y perdre sa respiration naturaliste et sa drôlerie dépressive
C’est ce naturel et ce sens du détail qui font qu’on lui pardonne volontiers de se transformer peu à peu en romcom très codifiée, dans la mesure où il parvient à ne jamais y perdre sa respiration naturaliste et sa drôlerie dépressive. L’ensemble dégage un effet de beau roman graphique, à la fois, bien sûr, par la place du dessin (les courts de la réalisatrice étaient en animation), mais également par ce monologue intérieur qui peut lui aussi évoquer la bande dessinée, dans sa manière de rapporter tous les micro-événements à un récit d’une extrême subjectivité, à la surface des ressentis les plus infimes et immédiats de Jeanne.
Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux, avec Blanche Gardin, Laurent Laffite (Fr., 2022, 1 h 35). En salle le 7 septembre.
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