Les protégés des Neptunes, The Clipse, rivalisent avec leurs maîtres – mais avec leur aide.
On l’a échappé belle : l’Hexagone a failli être privé d’un des meilleurs disques de ces derniers mois. Sorti fin 2006, il fallait jusque-là se contenter d’un import, un luxe au vu d’un rapide bilan de ce que l’Amérique hip-hop a envoyé depuis le début de l’année. The Clipse, c’est deux frères, Pusha T et Malice, deux gars de Virginie qui ont eu une veine de cocus le jour où leur chemin a croisé celui de Pharrell Williams et Chad Hugo, les producteurs qui officient sous le nom de Neptunes.
Quand Pharrell et Chad semblent parfois exploiter les commandes des pointures de la pop, du hip-hop et du r’n’b (de Britney à Usher en passant par Snoop Dogg ou Justin Timberlake) pour garnir leur compte en banque, The Clipse ferait presque figure de passionnant terrain d’expérimentation à leur travail de production. Alors que c’est bien plus que ça. Derrière leurs manettes, ce qui aurait pu ne sonner que comme du banal rap hardcore sudiste se transforme en redoutable hip-hop à la production minimale et aux beats électroniques décharnés.
Après Lord Willin’, premier album au faramineux single Grindin’, ce deuxième disque est une réussite sur toute la ligne. De coke. Car côté textes, Pusha T et Malice semblent totalement accros à leurs histoires de dealers et, globalement, à tout ce qui se passe dans leur rue : poudre, pognon, bagnoles, filles… Des thèmes crus et usés qui ne seraient rien sans la hargne qui les anime et, surtout, sans cette fameuse production qui fait des miracles à partir de pas grand-chose : une note d’accordéon et des beats de rien sur Momma I’m Sorry, un chœur flippant et un bout de percus sur Keys Open Door… Ces Mr Me Too et Dirty Money reposent aussi sur de frêles arbustes rythmiques que l’on sent pourtant déjà indéracinables.
Des sons économes répétés à l’infini qui font paradoxalement la formule gagnante de The Clipse, mise en œuvre version corde raide, sobre et glaciale des ficelles qui cartonnent dans les charts. Derrière ce grand album, le hip-hop et les Neptunes prouvent que le minimum est parfois le meilleur ami du bien.