Avec cette installation chorégraphique singulière, la Cap-Verdienne oscille entre le macabre et la joie pour bousculer nos sens.
En plaçant sa nouvelle pièce sous influence du mythe de Pandore, Marlene Monteiro Freitas s’offre un exercice de métamorphose inédit, quoique bien dans la manière de la Cap-Verdienne. Si boîte il y a, elle est transparente, habitée d’un esprit frappeur – et sans tête. Cette image originelle d’Idiota, un corps “décapité” mais coiffé d’un galurin, est superbe. Peu à peu, un subtil jeu de doubles prend possession de ce corps, militaire d’opérette, enfant ou divinité.
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Gantée de blanc, Monteiro Freitas imagine une série de paysages mentaux, histoire de sortir du cadre. Sa performance si est renversante, au propre comme au figuré, qu’elle finit accrochée au plafond le temps d’une danse tribale. Actionnant les uns après les autres les dispositifs scéniques de cet espace à vivre, la soliste s’invente un space opera sur mesure.
Un voyage musical, du baroque à Nick Cave
Couchée sur un sol de sable noir ou aspirée par des vapeurs, Monteiro Freitas fait le grand écart entre mythologie et réalité. Ainsi, Idiota prend plus d’une fois la forme d’un cauchemar avec force pupilles dilatées ou lèvres écrasées sur la paroi. Des accessoires suspendus autour d’elle, l’artiste fait un défilé au rythme d’une marche militaire improvisée. La bande-son, comme souvent chez elle, est un voyage du baroque à Nick Cave.
On se perd parfois dans ces quelques mètres carrés dont l’interprète ne sortira – vivante ! – qu’aux saluts. Marlene Monteiro Freitas avoue avoir voulu dialoguer avec le peintre Alex da Silva, disparu en 2019. Ce dernier se destinait à la biologie avant de bifurquer vers la peinture à son arrivée à Rotterdam. Cette science du vivant, elle la fait sienne dans Idiota, tirant les fils d’un récit multiple. La farce se fait macabre ou joyeuse, jamais pesante.
Créé au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles en mai dernier, Idiota doit beaucoup à l’équipe rassemblée autour de Marlene Monteiro Freitas : Miguel Figueira, Yannick Fouassier, Rui Antunes et Hsin-Yi Hsiang. Une création qui n’a pas fini de troubler nos sens, nouvelle preuve éclatante du talent protéiforme de la danseuse, comme le fut Guintche à son époque (2010). Ce dernier sera également du portrait que le Festival d’Automne consacre à Marlene Monteiro Freitas, dans une version live avec des musicien·nes. Un plaisir dédoublé.
Idiota chorégraphie et performance Marlene Monteiro Freitas, du 26 au 29 octobre, Palais de la Porte Dorée, Paris.
Guintche chorégraphie et interprétation Marlene Monteiro Freitas, du 29 septembre au 1er octobre, Centre Pompidou, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.
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