Le cinéaste palmé en 2008 pour « Entre les murs » propose une nouvelle immersion dans une classe traversée par tous les troubles de la société francaise. Elle est cette fois constituée de jeunes adultes en atelier d’écriture, avec Marina Foïs pour enseignante.
Les orbites des planètes cannoises suivent parfois des trajectoires ironiques. Neuf ans après sa palme d’or pour Entre les murs, Laurent Cantet revient à Cannes en « deuxième division » alors que son ami et coscénariste Robin Campillo connait pour la première fois les honneurs de la compétition et postule à la palme à l’heure où l’on écrit ces lignes. De fait, L’Atelier dialogue avec 120 Battements par minute, les deux films ayant pour lien de filmer la circulation de la parole au sein d’un groupe puis de suivre deux personnages s’extrayant du collectif. Ici, il ne s’agit pas de militantisme mais d’un workshop d’écriture dirigé par Olivia, une romancière à succès, et suivi par une demi-douzaine de jeunes gens en échec scolaire et en phase de ré-orientation. L’action se déroule à La Ciotat, emblème de ces villes moyennes touchées par la crise après la mort de leur poumon économique – en l’occurrence les chantiers navals. Le film ne le dit pas mais La Ciotat est aussi éternellement liée aux frères Lumière. C’est donc en ce lieu doublement hanté que se retrouvent un garçon introverti, un autre qui n’a aucune envie d’écrire, un noir joyeux, une fille de travailleur émigré communiste des chantiers, un musulman un peu à cran, chacun portant les divers espoirs et revendications animant et/ou fracturant la société française. Cette typologie des personnages est un peu la limite de la première partie du film, même si les dialogues et comédiens sont excellents.
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https://www.youtube.com/watch?v=hlD8ezI2Fco
Le remarquable Matthieu Lucci compose le portrait juste et glaçant d’un jeune sans désirs
Mais petit à petit se noue un lien d’attirance et de conflit entre la romancière et Antoine, le jeune taiseux. Ce dernier est un peu le mouton noir du groupe : il est souvent peu coopératif, ou alors fait des propositions de texte « choquantes » pour les autres. En dehors de l’atelier, il rumine seul dans sa chambre, joue aux jeux vidéo, fréquente la bande de son cousin qui fricote avec l’extrême-droite. Olivia se rapproche de ce Lacombe Lucien contemporain pour tenter d’éclaircir l’origine de son malaise et de le reprendre en main, mais aussi par une attirance érotique non dite. Car Antoine s’est aussi permis de formuler des remarques assez justes sur les romans d’Olivia ce qui perturbe celle-ci. Olivia, c’est la géniale Marina Foïs, d’abord doucement autoritaire, pédagogiquement bienveillante, puis de plus en plus perdue. Le taiseux, c’est le remarquable Matthieu Lucci qui compose le portrait juste et glaçant d’un jeune sans désirs, sans espoirs et froidement tenté par la clôture fascisante. En récapitulant tout son cinéma de Entre les murs à Vers le sud en passant par Les Sanguinaires ou Jeux de plage, Laurent Cantet demeure fidèle à lui-même et à ses préoccupations (comment incarner au cinéma des abstractions telles que la société ou la politique…) tout en faisant un nouveau pas en avant.
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