Pionniers des collisions hébétées entre rock et dance, à une époque où Klaxons et Hadouken! ne connaissaient du fluo que les vareuses de leurs Playmobil, les Happy Mondays se retrouvent logiquement héro(ïnomane)s d’une génération qui, elle aussi, a décidé que l’indie-rock débraillé et le groove tumultueux méritaient bien quelques noces barbares.
Loin des délinquants juvéniles flamboyants de la merveilleuse farce Madchester, les Mondays font ainsi aujourd’hui en Angleterre figure de caïds, de repris de justice au casier lourd comme les paupières de Tony Montana des bacchanales rock-dance : à côté de ces authentiques têtes cramées, de leurs frasques indicibles et de chansons indomptables, même les plus forcenés et outranciers de leurs disciples actuels, de The Twang à Crystal Castles, passent fastoche pour des enfants de curés.
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Ah, la gouaille indéchiffrable de Shaun Ryder… Ah, les danses hallucinées de Bez… Ah, ces guitares acides et pénétrantes… Ah, ces rythmiques qui cimentaient avec volupté un vaste bordel que tout destinait au chaos, à l’effondrement. Beaucoup de groupes ont tenté de retrouver cette alchimie miraculeuse, mais aucun n’avait une telle expertise de la chimie. Seul un régime alimentaire strictement narcotique autorisait le groupe, étranger hagard à tout calcul, à réaliser à chaud ces fusions incandescentes que les autres, pâles laborantins, tentaient d’obtenir à longueur de dosages, d’espionnage industrieux.
A présent sortis de la dope, revenus à une réalité dont ils découvrent, sidérés, la cruauté et le sordide (Shaun Ryder, ruiné, a récemment vendu à un tabloïd son effarante histoire : même Ken Loach n’oserait pas faire un film de cette dégringolade), les Mondays retrouvent les mêmes gestes, les mêmes voix, les mêmes grooves. Mais avec un souffle court, des corps trop amochés pour la bamboche, des esprits trop tracassés pour l’abandon. Et pourtant : qu’on me pardonne cette indulgence honteuse pour cet acte trop fondateur pour ne pas jouir de passe-droit, voire de non-lieu, mais de Jellybean à Cuntry Disco, les Mondays renouent à l’occasion avec cette diabolique façon d’attraper par le col (du fémur), de condamner la tête imbécile à dodeliner, d’ordonner aux pieds des spasmes déréglés…
Et c’est reparti pour un tour : Madchester est le centre du monde, on porte des baggys aussi larges que les pupilles, on est un mac en Ford Escort… Gangsta-pop même pas tamisée par la production d’un Howie B aussi impuissant que Martin Hannett ou John Cale – pourtant deux cinglés notoires, qui se sont cassé les dents sur la folie sauvage des Mancuniens – à imposer sa mesure à cette démesure. Du coup, on se prend à rêver de leurs prochains concerts – eux toujours aussi glorieusement bordéliques, inconscients, de grande classe, de grande crasse.
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