C’est avec une grande tristesse que nous venons d’apprendre la disparition de Denis Quélard, patron du mythique bar parisien Le Pop In.
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C’est un de ces endroits qui forme, pour celles et ceux qui le fréquentent, comme une deuxième, voire une première maison. Quiconque ayant une affinité pour les musiques pop, folk et rock a, un jour, pénétré dans le mythique Pop In, au 105, rue Amelot (XIe) et y a très certainement élu domicile, accoudé·e au comptoir, blotti·e à l’étage dans les canapés défoncés, trébuchant dans les escaliers menant à la cave où se déroulaient les concerts, cherchant un·e camarade pour lui tenir la porte des WC qui n’a jamais été réparée. J’en ai fait partie, bien évidemment. Il faut dire que son cofondateur, le Breton Denis Quélard, né en 1964 à Malestroit près de Vannes où il grandit avant de faire ses études à Rennes, avait l’enthousiasme solaire, la passion au cœur, l’envie de créer un foyer fait de musique, de bières, et de nouvelles amitiés, toutes générations confondues. Nous venons d’apprendre avec une grande tristesse sa disparition à l’âge de 58 ans.
C’est en mai 1997 que Denis Quélard, accompagné de deux ami·es, Florence Piana et Marc Hélias, fonde ce lieu qui deviendra un incontournable de la scène indie-pop-rock parisienne puis hexagonale. “C’était l’époque de la britpop et aucun bar de Paris ne passait ce genre de musique, donc on a lâché nos boulots (de mon côté, je travaillais dans la finance internationale) et on s’est lancés, nous racontait-il en 2019. Au début ce n’était pas un bar et il nous a fallu tout refaire, tout remettre aux normes. Après ça, les journalistes de Magic ont découvert l’endroit, ont passé le mot à pas mal de personnes, et très vite, on s’est retrouvés à accueillir Étienne Daho, les Pet Shop Boys, le premier aftershow des défilés Dior Homme avec Hedi Slimane… C’est comme ça que tout a commencé.”
Étienne Daho, Saint DX, Daniel Darc
Une petite cave de 40m2 accueille plusieurs concerts quatre soirs par semaine. Pour ce faire, Denis recueille des candidatures et sillonne festivals et salles de concerts. Parmi eux : La Route du Rock, bien sûr, mais aussi le Festival Yeah! de Lourmarin, coorganisé par Laurent Garnier, dont il était proche, et Nicolas Galina, un ancien serveur historique du Pop In.
Dans les années 2010, Denis Quélard lance même un label, Pop In Records, avec lequel il sort des 45 tours de Herman Dune, Yeti Lane, Kim, HushPuppies, Zombie Zombie, Villeneuve ou encore Étienne Daho. Toutes et tous des habitué·es du lieu, qui contribuèrent à en faire quelque chose de plus qu’un énième bar sans cœur(s) ni visage(s), plutôt une forme d’hétérotopie. Lilly Wood and The Prick s’y sont rencontrés, Lescop y a joué pour la première fois en 2011, tout comme Saint DX ; Nicolas Sirkis, Daniel Darc ou encore Nigel Godrich y traînaient… La liste des artistes ayant fréquenté ce lieu autant pour sa faune que pour son patron, Denis, est longue.
En 2014, il retraçait l’aventure des Pop In Gays auprès du blog Little John. “L’autre élément très important a été la création, en même temps que notre bar et sans qu’on les connaisse, d’une association qui s’appelle Les Pop In Gays. En gros, leur message, c’était : ‘On est pédés, mais on en a marre d’être assimilés à Mylène Farmer. Nous, on écoute de la pop anglaise et on est fans des Smiths !’. Je crois que leur nom venait d’un jeu de mot autour du mot anglais ‘popinjay’ qui veut dire freluquet. Ils sont venus nous voir fin 1997 : on trouvait marrant de s’appeler presque de la même manière. Du coup, tous les jeudis, on s’est mis à organiser les soirées Pop In Gays. Très vite, leurs soirées ont été blindées de monde. Ils ont aussi organisé des festivals et ils animent un site internet assez pointu en indie pop. Au bout de sept ou huit ans, il y avait trop de monde qui venait à leurs soirées et ils sont partis organiser leurs soirées dans d’autres endroits. On est toujours très copains avec eux. Toujours au rayon anecdotes, les Pop In Gays ont participé à un clip de Pete Shelley, l’ex Buzzcocks, qui était d’ailleurs assis pile où je suis assis en ce moment [le petit canapé en cuir marron à l’étage, à côté de l’escalier – ndlr]. J’étais fan des Buzzcocks et c’était marrant de voir cette légende du punk qui ressemblait à une vieille grand-mère et qui disait ‘Darling’ à tout le monde. »
Sans oublier le fameux after show d’un défilé Dior Hommes de Hedi Slimane, qui contribua à populariser le Pop In, notamment à l’étranger : “Je connaissais Étienne Daho depuis l’époque où j’étais étudiant à Rennes et il venait au Pop In avec des copains, dont Hedi Slimane. Il était un peu en observation ici, il regardait comment les gens étaient lookés. C’est quelqu’un qui ne parlait pas beaucoup : il a dû venir ici pendant cinq mois sans dire un mot, juste en prenant un Perrier, et je pense qu’il trouvait des idées pour ses collections. Étienne m’a présenté Hedi. Un jour, il m’a demandé s’il pouvait faire l’after show de son premier ou deuxième défilé pour Dior. Le défilé devait avoir lieu un lundi et on a ouvert exceptionnellement [le Pop In était à l’époque fermé le lundi, ndlr]. Deux semaines avant, un attaché de presse était venu nous voir pour savoir si les invités un peu connus pourraient arriver par un autre accès que l’entrée principale. Et quand on a vu les gens ‘un peu’ connus, on a halluciné. Il y avait Karl Lagerfeld : l’attaché de presse nous avait aussi demandé de prévoir du Pepsi Max et on savait que, dans le monde de la mode, à part Karl Lagerfeld, personne ne buvait du Pepsi Max. A l’époque, les bars étaient fumeurs et, ici, c’était un enfer de fumée. On pensait que Karl Lagerfeld ne tiendrait pas trente secondes. Finalement, il est resté et a dansé dans la cave [là où ont lieu les DJ sets et les concerts – ndlr]. Il y avait aussi Sandra Bullock, Hugh Grant, Malcolm McLaren, Alain Chamfort, Neil Tennant des Pet Shop Boys. Étienne Daho, bien sûr, Dani. Elle ne buvait que du vin rouge et avait les lèvres violettes. Elle ne voulait pas que je vide les cendriers car elle trouvait ça génial quand ils débordaient de mégots et de cendre. Et en allant ramasser des verres, je suis tombé nez-à-nez avec Elton John. Là, je me suis dit, on peut mourir tranquilles, on a vu Elton John au Pop In. »
Proche des gérants d’un autre bar incontournable sur la scène indie-pop-rock parisienne, Le Motel, Denis Quélard défendait une certaine idée du DIY et de la communauté ouverte, de la tendre détermination et de l’amour, considérant ses ami·es comme sa famille. En bras de fer constant avec la Préfecture depuis 2019, ce qui avait considérablement fragilisé le Pop In (qui reste malgré tout ouvert), Denis était depuis devenu responsable des bars de La Gaîté Lyrique. Y entraînant son enthousiasme et sa passion pour la musique live.
So long.
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